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Kits de test hormonal : que peuvent-ils me dire sur ma fertilité ?

Photo par Noppawan Laisuan/Getty Images
"Tu es sûre de vouloir faire ça ?" a demandé mon amie, sincèrement inquiète. "Et si c'est une mauvaise nouvelle ?" Mon kit de test hormonal à faire chez soi venait d'arriver, offert par une société néerlandaise appelée Grip, qui teste à distance les hormones qui fournissent des indicateurs de fertilité d'une femme pour 159 €.
Grip teste les mêmes hormones que tout bilan hormonal effectué en laboratoire, clinique ou hôpital : l'hormone antimüllérienne (AMH) qui est produite par les cellules des petits follicules dans les ovaires d'une femme et est utilisée comme marqueur de la quantité d'ovules. L'hormone lutéinisante (LH), qui est responsable du déclenchement de l'ovulation mensuelle, et utilisée dans le diagnostic du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). L'hormone thyréostimuline (TSH), qui permet de diagnostiquer les troubles de la thyroïde : hypothyroïdie et hyperthyroïdie. La testostérone totale (T) qui est souvent considérée comme une hormone masculine, mais les femmes en produisent également de petites quantités. Un déséquilibre de la testostérone peut indiquer un SOPK.
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Le savoir, c'est le pouvoir - c'est ce qu'on dit. Et les entreprises privées qui vendent des kits médicaux d'auto-test promettant de vous donner ce savoir semblent être partout en ce moment. En particulier celles qui, comme le prétend Grip, éclairent le mystère de la fertilité des femmes. En échange d'un échantillon de votre sang, de votre salive ou de vos matières fécales, ces entreprises promettent, en gros, la même chose : vous éclairez sur les mystérieux rouages de votre corps pour que vous puissiez l'optimiser afin de savoir quand avoir un bébé, si vous êtes plus fertile, éviter les maladies ou tout cela à la fois. Mais que faire si l'on en sait trop ?
Grip a été fondé par deux femmes d'une trentaine d'années - Anne Marie Droste et Ling Ling. C'est Anne Marie, 32 ans, qui me raconte, par le biais de Zoom, depuis le Portugal où elle est confinée et en télétravail, que ce projet est né de sa frustration face à tout ce que nous ne savons pas sur le corps des femmes en raison du fossé médical entre les genres, les femmes étant historiquement exclues des essais médicaux. "Nous ne comprenons même pas comment les femmes en tant que catégorie entière réagissent à un médicament de tous les jours comme le paracétamol, en raison du manque de connaissances sur les hormones féminines", déplore-t-elle, "sans parler de la façon dont il agit chez chaque femme individuellement".

Les preuves scientifiques sont donc claires : ces tests sont d'une utilité limitée.

Dr Lisa Webber, gynécologue consultante et spécialiste en médecine de la reproduction à St Mary's Hospital Imperial College Healthcare NHS Trust.
Comme beaucoup d'entre nous, Anne Marie me raconte qu'elle a commencé à chercher sur Google "quel est le bon moment pour avoir des enfants ?" lorsqu'elle a atteint la trentaine, parce qu'elle avait remarqué que les femmes autour d'elle essayaient et avaient du mal à tomber enceintes. "Ce n'était pas simple pour tout le monde", explique-t-elle, "certaines ont dû recourir à la FIV. Je suis donc allée voir mon médecin généraliste et lui ai demandé s'il pouvait me dire si je devais accélérer le processus. Je souhaitais le savoir car, si j'avais su que cela pouvait être difficile, j'aurais fait des choix très différents au cours des cinq prochaines années de ma vie".
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Cependant, les données que Grip peut fournir ne sont pas nécessairement le savoir auquel on pourrait s'attendre. Grip, contrairement à la plupart des millennials qui s'adonnent à la divination de l'avenir, que ce soit par la "manifestation" ou par l'horoscope, prend soin de préciser que le test ne peut pas donner de prédictions. En effet, malgré les idées fausses qui prétendent le contraire : aucun médecin ou test de fertilité ne le peut. "Nous ne pouvons pas vous dire si vous serez en mesure de tomber enceinte, et aucun médecin ne le peut. Il n'existe pas non plus de prédicteur de l'infertilité, donc nous ne pourrons pas non plus vous dire que vous ne pourrez pas avoir d'enfants", indiquent-ils sur leur site web. Ils encouragent plutôt les client·e·s à considérer le test hormonal "comme un profil de risque".
"Si vous connaissez vos risques alors que vous êtes encore jeune, vous avez encore toutes les possibilités d'y remédier", affirme Grip.
"Je vous suggère de passer votre doigt sous l'eau chaude pendant une minute ou deux", m'a conseillé une jeune femme médecin, gentille et encourageante, lors d'un appel vidéo WhatsApp, pendant que je faisais semblant d'être "tout à fait bien et très détendue" à l'idée de faire une prise de sang de l'annulaire de ma main gauche dans le flacon en plastique qui m'avait été envoyé. Et si c'est une "mauvaise nouvelle" ? J'ai ruminé cette idée. Comme si moi, une femme de 33 ans, je ne m'inquiétais pas déjà assez de ma fertilité. Comme si je n'avais pas eu plus de conversations sur les avantages et les inconvénients de la congélation des ovocytes avec mes amies que quiconque ne devrait jamais avoir à subir. Que me ferait un résultat indiquant que je risque une ménopause précoce ? En quoi un résultat indiquant que je pourrais avoir un nombre d'ovocytes inférieur à la moyenne pour mon âge aurait-il un impact sur mes choix de vie ?
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"Allons-y, montrez-moi votre doigt", dit joyeusement le docteur. "Ne vous inquiétez pas, j'ai aidé beaucoup de gens à se prélever le sang avec succès !"
J'ai retiré une lancette du paquet, l'ai placée contre mon doigt et ai libéré l'aiguille. Elle avait raison. Tout allait bien. En quelques instants, mon flacon en plastique a été rempli, emballé et dans l'heure qui a suivi, déposé dans une boîte aux lettres afin qu'il puisse être acheminé vers un laboratoire pour y être analysé. On m'a expliqué qu'il fallait compter quelques jours pour obtenir les résultats, qui me donneraient des informations, même si elles sont quelque peu hypothétiques, sur ma fertilité.
Pendant que j'attendais, je me suis rendu compte que, bien que je semble avoir plus de conversations sur la fertilité que jamais auparavant, ce dont on parle vraiment, sauf de nom, c'est de l'infertilité ou, plutôt, de la peur qu'elle suscite. Depuis des temps immémoriaux, les femmes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas avoir d'enfants sont montrées du doigt par la société. Être "stérile", par choix ou non, c'est être un paria contre nature. Le terme anglais barain (stérile), peut être défini par ce qu'il n'est pas : il était utilisé pour désigner tout ce qui n'était pas fécond, qu'il s'agisse de femmes, d'animaux ou de terres. Être une femme qui n'est pas ou n'a jamais été enceinte a longtemps été considéré comme "contre nature". À la Renaissance, l'infertilité était décrite par les écrivains masculins comme un mauvais sort. Et, tout au long du début de la période moderne, les femmes qui en faisaient l'expérience étaient considérées par certain·e·s comme des sorcières.
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Aujourd'hui, la "méchante" sorcière stérile s'est transformée en la figure (non moins calomniée) de la femme qui a repoussé le moment d'avoir des enfants pour des raisons que certains appellent "sociales" mais que je préfère qualifier d'économiques, comme le fait de ne pas avoir rencontré la bonne personne ou de donner la priorité à l'éducation et à la carrière.
Pendant la pandémie, alors que tant de nos libertés ont été supprimées par intermittence, les conversations sur la fertilité ou, plutôt, sur l'infertilité potentielle, ont proliféré. La congélation des ovocytes était de toute façon en hausse au Royaume-Uni. Les données de la Human Fertilisation & Embryology Authority (HFEA) montrent que le nombre de cycles de stockage d'ovocytes a rapidement augmenté, passant de 1 500 cycles en 2013 à un peu moins de 9 000 en 2018. Il s'agit d'une augmentation stupéfiante de 523 %, ce qui signifie que le nombre de femmes qui congèlent leurs ovocytes a été multiplié par cinq ces dernières années. En France, la congélation des ovocytes est autorisée si une prise en charge médicale est susceptible d'altérer votre fertilité, alors dans ce cas cette solution vous sera proposé. En revanche, elle ne sera pas autorisée pour des raisons non-médicales, c'est pourquoi de nombreuses femmes congèlent leurs ovocytes dans d'autres pays européens. Mais, au cours des 18 derniers mois, le sujet est apparu partout : il est abordé dans autant d'articles et de podcasts que dans les conversations privées que les femmes ont entre elles lorsque personne d'autre n'écoute. Les tests hormonaux à faire chez soi ne sont pas différents. Il n'y a pas une seule femme de mon âge que je connaisse qui n'ait pas d'enfant et qui ne veuille pas se faire tester, avec l'impression d'avoir un certain pouvoir sur son avenir qui, par sa nature même, échappera toujours à son contrôle.
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Mes résultats sont arrivés en même temps qu'un appel d'un médecin de Grip. Ce n'était pas une mauvaise nouvelle. J'ai un taux de testostérone légèrement élevé. Ils m'ont expliqué que cela pouvait être un indicateur de SOPK, ce qui pouvait potentiellement rendre une grossesse difficile. Je le savais déjà. On m'a diagnostiqué un SOPK pendant mon adolescence. Cependant, je n'avais jamais fait tester mes taux d'hormones, alors j'ai eu la satisfaction de voir que ces résultats renforçaient ce diagnostic et légitimaient tous les symptômes - de la pilosité excessive aux règles douloureuses - avec lesquels je me bats. Sur le plan de la fertilité, les nouvelles ne sont pas mauvaises non plus. Mes taux d'hormones indiquent que j'ai (potentiellement) un niveau de fertilité supérieur à la moyenne pour mon âge.

Les kits de tests hormonaux à faire chez soi peuvent donner aux femmes des informations utiles dans certaines situations mais ne doivent pas être utilisés pour le diagnostic d'affections telles que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).

Dr Raj Mathur, porte-parole du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, et président de la British Fertility Society.
Vient ensuite une question inévitable. Que faire de ces informations ? Puis-je maintenant me détendre ? La pression exercée sur moi pour que je prenne une décision quant à mon désir d'avoir un enfant a-t-elle disparu ? Pour un temps, en tout cas ?
Pas vraiment, en fait. Comme pour la congélation d'ovocytes, que les expert·e·s prennent soin de déconseiller aux femmes de considérer comme une "assurance" contre l'infertilité, l'intérêt croissant pour les tests de fertilité à faire chez soi suscite également des inquiétudes.
Le Dr Raj Mathur est porte-parole du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, et président de la British Fertility Society. "Les kits de tests hormonaux à faire chez soi peuvent donner aux femmes des informations utiles dans certaines situations ; par exemple, si une femme essaie d'avoir un bébé et a des règles régulières, un test d'ovulation urinaire peut aider à confirmer qu'elle ovule", m'a-t-il dit. Toutefois, il a averti que "ces kits de test à faire chez soi ne doivent pas être utilisés pour le diagnostic d'affections telles que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)", car ils "ne donnent pas une image complète de la situation et d'autres facteurs doivent être pris en compte, notamment les résultats hormonaux et échographiques, et si la femme présente d'autres affections associées comme le diabète".
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"Nous comprenons que l'achat de ces kits de test à faire chez soi peut être coûteux. C'est pourquoi nous encourageons vivement les femmes à discuter de leurs préoccupations concernant leur santé avec un médecin généraliste ou un spécialiste de la fertilité. Un médecin sera en mesure d'adapter les conseils et le traitement à leurs besoins spécifiques, que ce soit pour la fertilité, le cycle menstruel ou les problèmes de peau".
En outre, le Dr Mathur a soulevé un point important. La fertilité des hommes et des femmes diminue toujours avec l'âge et, pourtant, ces tests sont surtout commercialisés auprès des femmes. "Les tests hormonaux à faire chez soi ont un rôle limité car ils ne fournissent pas aux femmes ou aux couples des informations complètes sur leur fertilité", a-t-il expliqué, ils ne donnent à la femme qu'une compréhension théorique de ses niveaux hormonaux.
Le Dr Lisa Webber, gynécologue consultante et spécialiste en médecine de la reproduction à St Mary's Hospital Imperial College Healthcare NHS Trust, est allée encore plus loin en me disant que ces tests ne sont "pas dans l'intérêt des femmes" car ils peuvent soit donner une "fausse assurance", soit provoquer une fausse alerte.
À l'instar des entreprises privées qui proposent la congélation des ovocytes, le Dr Webber affirme que les tests hormonaux à faire chez soi constituent "une industrie". "Les femmes", dit-elle catégoriquement, "sont vulnérables et c'est encore une autre industrie qui en profite". 
Sommes-nous vulnérables ? Oui, dans la mesure où, quels que soient les progrès réalisés, les femmes sont toujours hantées par une horloge biologique invisible mais inéluctable, le tic-tac, qui pèse sur nous comme une épée de Damoclès chaque fois que nous prenons une décision en matière de relation amoureuse ou de carrière. Dans ce contexte, avec le poids de siècles de stigmatisation de l'idée d'être "contre nature", faut-il s'étonner que des jeunes femmes fondent des entreprises pour tenter de pirater la biologie et de combler les lacunes en matière de santé des femmes ? Qu'elles soient prêtes à payer pour avoir plus d'empowerment ? Non.
Mais, les données ne sont pas nécessairement le savoir. Et avoir plus d'empowerment n'est pas la même chose que d'avoir un réel pouvoir. Les kits de test hormonal à faire chez soi peuvent soulever plus de questions qu'ils n'apportent de réponses. Et, en fin de compte, si vous craignez l'infertilité mais n'êtes pas prêt·e à avoir un enfant et que vous vous demandez ce qu'il faut faire, un médecin que vous n'avez jamais rencontré ne trouvera pas la réponse à cette question au fond d'une simple fiole de votre sang.
"Bien que ces tests puissent vous dire des choses sur votre corps, ce qui peut être bien," conclut le Dr Webber, "ces niveaux d'hormones ne vous disent rien sur votre fertilité - ils ne donnent que des indices et ces indices doivent être interprétés dans un contexte médical. Les choses peuvent aussi changer. Les preuves scientifiques sont donc claires : ces tests sont d'une utilité limitée".
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