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Qui est Alisha Boe, actrice engagée et présidente des élèves de 13 Reasons Why

Elle a fait entendre sa voix dans le rôle de Jessica Davis dans 13 Reasons Why. Maintenant, Alisha Boe l’utilise pour combattre l’injustice dans la vie réelle.

Ligne ondulée
Alisha Boe est assise confortablement sur un canapé en velours vert émeraude. Habituellement, pour une conversation comme celle-ci, je serais assise juste à côté d'elle. Nous nous serions probablement retrouvées dans un café peu fréquenté - mais néanmoins branché - de Los Angeles, que l'actrice de 13 Reasons Why appelle son chez-soi. Une playlist "Chill & Relax" résonnerait en fond, et une ou deux boissons fraîches seraient sur la table. Mais nous sommes loin d'être dans une période habituelle. Boe est confinée dans un endroit qu'elle demande à garder confidentiel, où elle affronte la pandémie de la COVID-19 avec son petit ami dont le nom n'est pas divulgué (ils ont choisi de garder son identité secrète pour des raisons que Boe m'a indiquées comme étant personnelles). C'est donc de chez elle qu'elle regarde les fans dévorer les 10 derniers épisodes de la controversée, mais bien-aimée, série 13 Reasons Why de Netflix, dont la quatrième et dernière saison est sortie le 5 juin.
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La voix de cette jeune fille de 23 ans a une qualité sérieuse et grave que les fans de 13 Reasons Why sont parvenus à connaître intimement - aucun élève de Liberty High ne parle avec plus de gravité que Jessica Davis, interprétée par Boe, une pom-pom girl autrefois insouciante qui devient une féministe emblématique après avoir survécu à un viol lors d'une fête. Au cours de ce drame implacablement tragique, la présidente des élèves Jessica expose la culture du viol et le sexisme d'une manière brutalement honnête et graphique, comme aucun autre personnage d'adolescent avant elle. Mais lorsque nous avons échangé, cette voix est aussi utilisée pour répondre aux protestations antiracistes qui ont récemment suscité la mobilisation culturelle - et elle continuera sans aucun doute à le faire à l'avenir.
"Pendant longtemps, j'ai vraiment eu peur d'exprimer une quelconque opinion. Mais je pense qu'à un moment donné, on est simplement fatigué. On arrête de se soucier des commentaires que l'on va recevoir", explique Boe. Le 27 mai, elle avait affiché sur Instagram un long message dédié à George Floyd, Ahmaud Arbery et Kenneth Ross Jr, trois des hommes noirs dont le meurtre par les forces de l'ordre et les racistes blancs a déclenché les protestations qui ont mis à nu la réalité mortelle du racisme systémique aux Etats-Unis. Le fait que Boe utilise sa plateforme avec 4,1 millions de followers pour non seulement demander justice pour Floyd, mais aussi pour interpeller le président américain Donald Trump pour avoir qualifié les manifestant·es de "voyous" est aussi inspirant que tout monologue enflammé et courageux que Jessica a pu donner.
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"Je suis tellement fatiguée de faire partie d'une communauté de personnes qui ne sont pas entendues et qui souffrent. C'est personnel parce que dans ces meurtres, je vois mon père, je vois mon frère. Ce sont des amis, ma famille", déclare-t-elle. Boe, dont le père est somalien et la mère norvégienne, est née à Oslo et est partie vivre à Los Angeles à l'âge de 7 ans, lorsque sa mère, Vibeke Boe, a épousé un Américain. Elle n'avait que 19 ans lorsqu'elle a été choisie pour le casting de 13 Reasons Why en 2016. Elle a un petit frère, Asante, qui a eu 12 ans le jour de notre appel vidéo, et qui ira au lycée dans un avenir pas trop lointain. Elle devient visiblement émotive en réalisant qu'il n'a plus que six ans de scolarité devant lui. Ce sentiment rend l'enjeu de la série télévisée sur le lycée de Jessica d'autant plus réel, un enjeu qui se précise encore plus en ce moment. "Il est encore plus difficile d'avoir un président qui préfère étiqueter certains élèves comme des terroristes plutôt que comme un school shooter (tueur scolaire)", dit Boe. "Un school shooter ne se qualifierait jamais de terroriste."
La menace omniprésente des fusillades dans les écoles est inscrite dans l'ADN de 13 Reasons Why, une série construite à partir des nombreux traumatismes dont souffrent les adolescent·es aujourd'hui. Le bilan des agressions sexuelles, de la dépression suicidaire et de la toxicomanie est également au coeur de la série, qui a marqué le début de l'ère de domination de Netflix sur les séries pour adolescent·es. La saison 4 étend la réflexion sur le racisme - qui aboutit finalement à une protestation que les forces de l'ordre rendent violente. C'est dans ces moments tumultueux que Jessica Davis est au sommet de sa puissance oratoire. Alors que Boe a maintenant laissé Jessica derrière elle pour toujours, une partie de son personnage vit encore en elle et s'exprime sur tous les sujets, de la sexualité positive à l'antiracisme.
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"Quand j'ai commencé la première saison de 13 Reasons Why, j'ai beaucoup appris sur les droits des femmes - et sur le féminisme en général - grâce à Jessica", explique-t-elle. Au-delà de 13 Reasons Why, on peut la voir récemment dans des films dirigés par des femmes comme la satire religieuse Yes, God, Yes de Natalia Dyer, réalisatrice de la série Stranger Things, et la comédie de pom-pom girls gériatriques Poms de Diane Keaton. Boe admet qu'elle a toujours eu ça dans le sang, riant de la façon dont elle récitait de mémoire des pièces pour ses parents quand elle était enfant à Oslo. Elle ne le dit pas, mais on peut supposer que ces performances enfant n'incluaient pas ce pour quoi elle est la plus connue aujourd'hui : adresser des discours galvanisants à toute une foule et crier littéralement "J'emmerde le patriarcat".
"Pouvoir se tenir, littéralement, devant 300 personnes et dire ces mots, c'est très, très puissant", affirme Boe à propos de ses moments au mégaphone. "Car ce qui se passe ne va pas s'arrêter simplement parce que nous avons choisi de ne pas en parler… J'espère qu'en fin de compte, ce que les fans retiendront de la série, c'est qu'ils doivent utiliser leur voix, mais aussi agir de manière pacifique".
Il est clair que les fans ont pris ce message à cœur. Boe me parle des innombrables jeunes femmes qui, par messages, lui ont fait part de la façon dont son travail à l'écran les a inspirées à s'exprimer dans leur propre vie, qu'il s'agisse d'aider des êtres chers en crise ou de dénoncer l'injustice. Il n'est pas surprenant que Boe ait entendu des téléspectat·rice·eurs passionné·es, car le fandom est le moteur qui a alimenté le succès multi-saisonnier de 13 Reasons Why. Alors que l'adaptation du roman du même nom de Jay Asher devait à l'origine être diffusée pendant une seule saison, elle est devenue la série la plus tweetée de 2016 et, dans sa deuxième saison, elle a permis de doubler l'audience de la série primée de Netflix, The Crown. Ce n'est pas une coïncidence si une grande partie de ce public est jeune et sont majoritairement des femmes ; ils et elles se reconnaissent sans doute dans les récits d'une honnêteté sans faille de la série.
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Boe offre à ces téléspectat·rice·eurs un ultime moment d'inspiration dans le dernier épisode de 13 Reasons Why. Dans son discours d'ouverture de cérémonie, Jessica exhorte ses camarades de classe à choisir l'amour plutôt que la haine, en leur rappelant qu'une telle décision est "une question de vie ou de mort". Ceux et celles qui ont vu la finale savent qu'une personne extrêmement proche de Jessica est décédée récemment au moment où elle prononce ce discours. Boe, cependant, n'avait aucune idée du personnage qu'elle commémorait le jour du tournage de cette scène, qui a eu lieu pendant la deuxième semaine de la saison 4 du tournage. La production n'avait même pas encore terminé le premier épisode.
"Nous devions le faire [de cette façon], parce que nous n'aurions pas accès au lycée où nous avons filmé. Je n'avais donc aucune idée de ce qui se passait dans cette scène. Je n'avais aucune idée de qui était décédé", admet Boe. Le réalisateur et créateur Brian Yorkey a seulement dit à Boe que "quelqu'un de très proche d'elle était décédé", et qu'elle devait jouer en conséquence. "Nous ne recevons pas les scripts à l'avance. Je suis donc heureuse que vous ayez aimé, car je n'avais aucune idée de ce dont je parlais", ajoute-t-elle avec un petit rire ironique.
La première saison de 13 Reasons Why n'a guère fait comprendre que Jessica se tiendrait devant ses camarades de Liberty High comme une force imparable - ou qu'elle deviendrait le personnage principal féminin évident du drame. En 2018, Boe a admis qu'elle ne pensait pas que la télé allait choisir quelqu'un qui lui ressemble, une immigrante métisse, pour le rôle principal d'une série. À l'époque où elle a été choisie pour jouer Jessica - initialement un personnage de second rôle dans le monde de Liberty High - Boe s'était limitée à jouer des rôles secondaires ou des rôles d'invités dans des séries comme Teen Wolf, Ray Donovan et Casual. En 2012, elle a même joué le rôle de "Pretty Girl" dans un seul épisode de Parenthood, qui, par coïncidence, mettait en vedette Miles Heizer, qui allait devenir l'un des plus importants partenaires de Boe dans la série 13 Reasons Why.
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Pourtant, à la fin de la saison, Jessica est devenue le cœur de 13 Reasons Why : une fille qui a non seulement survécu au traumatisme d'avoir été violée par l'agresseur en série Bryce Walker (Justin Prentice), mais qui a également trouvé la force de l'affronter au tribunal et de revendiquer sa propre sexualité. Une série d'exploits sexuels avec Justin (Brandon Flynn), un flirt avec le nouveau personnage Diego (Jan Luis Castellanos) et, surtout, une scène de masturbation sont quelques-uns des moments les plus révolutionnaires de Jessica dans les dernières saisons de 13 Reasons Why.
"C'est un rappel que nous ne sommes pas définis par un quelconque traumatisme. Nous avons le pouvoir de redéfinir qui nous voulons être et comment nous voulons être", raconte Boe à propos de l'évolution de Jessica. "C'est aussi incroyablement responsabilisant en tant que femme, car nous n'avons jamais l'occasion de parler de notre sexualité et de nos sentiments et nous voulons les exprimer - surtout les adolescent·es. On ne parle jamais de la masturbation féminine et pourtant, c'est très répandue".
"Je suis consciente que beaucoup de gens ont une aversion de voir une jeune fille, ou plutôt, une jeune fille de couleur dire ce qu'elle pense, qu'elle ne soit pas silencieuse et qu'elle s'approprie son pouvoir sexuel. Certaines personnes détestent vraiment cette situation et la désapprouvent. Ils se disent : 'Elle est chiante. C'est madame je-sais-tout'", poursuit Boe. "Mais la plupart des gens qui sont comme moi ou qui s'identifient à moi, trouvent du pouvoir dans cela et vous devriez y trouver du pouvoir. Parce que vous ne devriez pas avoir à vous taire, jamais, et vous ne devriez jamais avoir à vous sentir obligé de dire 'Je suis désolé de parler'. Vous ne devriez absolument pas avoir peur dans ce monde".
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Dans sa propre vie, Boe vit déjà cette maxime. "J'ai toujours été très positive sur le plan sexuel. Au contraire, [jouer Jessica] vient d'alimenter ma flamme", dit-elle. "Depuis que je suis enfant, ma mère a toujours été ouverte à toutes mes questions sur l'anatomie féminine, les règles, etc. Grâce à cela, elle m'a donné cet état d'esprit qui me permet de ne pas me sentir mal à l'aise de parler de quoi que ce soit".
Parler est devenu la ligne de vie de Boe en confinement. Au début de la pandémie, elle a d'abord évité son téléphone, le considérant comme un "facteur de stress". Mais elle a ensuite commencé à utiliser FaceTime avec ses ami·es et a trouvé de la joie et de la "reconnexion" dans une période de panique générale. Ensuite, il y a son petit ami, avec lequel elle est isolée depuis février. "Le confinement avec un partenaire a vraiment été génial, tant que vous avez des limites et des capacités de communication claires", dit-elle avec un large sourire. "Cela permet en fait de mieux comprendre vos personnalités lorsque cet événement spécifique se produit dans le monde, comme une pandémie mondiale, et que les facteurs de stress sont si élevés". 
A terme, Boe devra quitter son lieu de confinement. Elle s'interroge déjà sur ce à quoi ressemblera son avenir sans 13 Reasons Why. De 13 Reasons Why à Poms et Yes, God, Yes, elle a joué la fille populaire au lycée. Elle est d'ailleurs le plus souvent une pom-pom girl (les activités parascolaires de son personnage Nina dans Yes, God, Yes, ne sont pas claires, si ce n'est qu'elle sert de leader universellement apprécié lors d'une retraite catholique hypocritement excitante).
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"J'espère pouvoir jouer d'autres rôles qu'une adolescente par la suite. On verra bien. J'espère pouvoir me lancer dans des rôles de jeune adulte au cinéma", dit Boe. "Je ne pense pas que la prochaine chose que je veux faire soit de jouer dans une nouvelle série télévisée. Pour l'instant, je pense que je veux essayer quelque chose de différent juste pour voir".
Si Boe dit qu'elle est intéressée par les pièces de théâtre ("C'est comme ça qu'on gagne vraiment ses galons d'actrice, vous savez ?" plaisante-t-elle) ou les films indépendants, ne soyez pas surpris·e si vous la voyez revenir à la télévision dans un genre très spécifique : le chef-d'œuvre Shondaland - une compagnie de production des plus grandes séries américaines (comme Grey's Anatomy) en contrat avec la célèbre chaine ABC. Boe vérifie le nom de deux titans du Thanks God It's Thursday (la soirée séries Shondaland sur ABC) en dressant la liste de ses acteurs fétiches. "J'admire vraiment Kerry Washington et Viola Davis", dit-elle. "Viola a déclaré une fois dans une interview : 'Quand j'ai décidé d'assumer ce rôle, c'est parce que je voulais qu'il y ait une femme à la peau foncée à la tête d'une série de télévision. Parce que c'est important pour la prochaine génération d'acteurs'. Je pense que c'est tout simplement incroyable".
Maintenant que 13 Reasons Why a pris fin, Boe doit également tenir compte de l'héritage de son propre travail en tant que Jessica Davis, la fille métisse qui a changé un lycée pour toujours. Bien qu'elle rie d'abord à l'idée de faire une "grande proclamation" sur son personnage, sa voix bascule bientôt dans les tons sérieux de Jess. "J'espère juste que les téléspectateurs finiront par comprendre qu'on n'est jamais vraiment obligé d'être seul", dit Boe. "Vous n'avez jamais à traverser quoi que ce soit seul. S'exprimer est toujours la meilleure option".

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