PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Comment les arnaqueuses sont devenues des icônes Girlboss malgré elles

Photos courtesy of HBO Netflix.
Les arnaqueur·euses n'ont rien de nouveau. Mais ces dernières années, l'intérêt que nous leur portons a pris de l'ampleur. Un certain nombre de scandales retentissants ont en effet redéfini la façon dont nous les considérons. Anna Delvey et Elizabeth Holmes ont commis des fraudes pour polir leur image et s'enrichir rapidement, ce qui leur a valu une sorte de statut culte dans la culture populaire, avec des fanbases dévouées et des podcasts, des livres et des séries télévisées consacrés à leur vie. On peut donc se demander ce qui nous attire tant chez les femmes qui commettent une fraude ?
PublicitéPUBLICITÉ
Delvey - également connue sous le nom de la fausse héritière allemande - a commis une fraude et escroqué plus de 200 000 dollars à des banques et des hôtels de New York. De son vrai nom Anna Sorokin, elle a changé son nom de famille pour Delvey afin de se faire passer pour une riche mondaine new-yorkaise disposant d'un énorme fonds fiduciaire et se liant d'amitié avec des membres fortunés de la haute société new-yorkaise. Delvey, qui a été libérée de prison en février dernier, a reçu 320 000 dollars de Netflix pour les droits d'une série sur sa vie, Inventing Anna. Une pièce de théâtre - Anna X - avec Emma Corrin, qui a été présentée au théâtre Harold Pinter à Londres l'année dernière, a également été inspirée par son histoire.

Le fait que Holmes et Delvey aient clairement ébranlé la culture du hustle - en refusant de fournir le travail nécessaire pour obtenir le type de succès auquel elles aspiraient - a fait d'elles les antihéros malgré elles de l'ère des girlboss.

Les motivations de Holmes ne sont pas différentes de celles de Delvey. Dès l'âge de 9 ans, elle aurait dit à des proches qu'elle voulait devenir milliardaire et elle a fondé la société Theranos à l'âge de 20 ans. Elle a prétendu à tort que l'entreprise proposait une technologie qui révolutionnerait les tests sanguins et a reçu un énorme soutien de la part d’investisseur·euses. En 2015, Forbes l'a désignée comme la self-made woman la plus riche d'Amérique, avec une valeur nette de 4,5 milliards de dollars. Mais seulement un an plus tard, le magazine a revu sa valeur nette à zéro et sa société a fait faillite. Holmes a récemment été condamnée pour fraude, mais elle a néanmoins des fans dans le monde entier qui se surnomment "Holmies", la décrivant souvent comme une héroïne féministe ou une girlboss. 
PublicitéPUBLICITÉ
Et la fascination des médias pour Holmes ne montre aucun signe de ralentissement : sa disgrâce est au centre d'innombrables projets, dont un documentaire de HBO et le podcast primé The Dropout. Une série limitée Hulu et un film Apple TV+ d'Adam McKay sont également en préparation, avec Amanda Seyfried et Jennifer Lawrence pour incarner respectivement la fondatrice déchue.

Et même si nous savons que ces arnaqueuses sont malhonnêtes et immorales, il n'est pas surprenant que certaines personnes les mettent sur un piédestal et s'émerveillent de leurs fraudes élaborées. Après tout, un stratagème comme celui de Delvey ou de Holmes requiert non seulement de l'intelligence, mais aussi pas mal de cran.

Contrairement à beaucoup de true crime, ces histoires ne sont pas gores ou invraisemblables. Même si le commun des mortels n'irait jamais jusqu'à frauder comme l'ont fait ces femmes, beaucoup d'entre nous se sont déjà livré·es à quelques petites tricheries, comme créer une fausse adresse électronique pour obtenir une réduction supplémentaire de 10 % lors d'un achat en ligne ou "oublier" de valider sa carte dans le métro. Des femmes comme Delvey et Holmes sont allées un pas (ou cent) plus loin que nous n'aurions jamais rêvé de le faire, et les résultats ont été inimaginables. Et même si nous savons que ces arnaqueuses sont malhonnêtes et immorales, il n'est pas surprenant que certaines personnes les mettent sur un piédestal et s'émerveillent de leurs fraudes élaborées. Après tout, un stratagème comme celui de Delvey ou de Holmes requiert non seulement de l'intelligence, mais aussi pas mal de cran.
L'attrait de ces arnaqueuses tient aussi en partie au moment où elles ont fait leur apparition. Elles sont entrées dans la sphère publique à la fin des années 2010, alors que la culture des girlboss commençait à s'effondrer. Si leurs procès publics avaient eu lieu ne serait-ce que cinq ans plus tôt, ils auraient fait partie de la conversation culturelle à l'apogée de l'ère des girlboss. La très admirée Sophia Amoruso, fondatrice de Nasty Gal, a écrit une autobiographie intitulée #GIRLBOSS, qui défend l'idée qu'en travaillant dur, les femmes peuvent tout réussir.
PublicitéPUBLICITÉ
Mais au moment où Delvey et Holmes ont commencé à faire parler d’elles, entre 2015 et 2017, Nasty Gal déposait le bilan. Au même moment, le livre En avant toutes (Lean In) de Sheryl Sandberg - dont on pensait qu'il incarnait la mentalité de girlboss - a commencé à recevoir de nombreuses critiques, Michelle Obama commentant : "Cette m*rde ne fonctionne pas toujours". 
La mort du concept de girlboss n'a jamais été aussi flagrante qu'en 2022, lorsque Molly-Mae Hague est devenue virale pour avoir déclaré que nous avons tous les mêmes 24 heures dans une journée et qu'avec un travail acharné, on peut atteindre tous les objectifs que l'on souhaite. L'influenceuse a été critiquée pour ne pas prendre en compte les désavantages auxquels sont confrontées les personnes issues de différents milieux socio-économiques, ethniques et culturels. Essentiellement, ce commentaire de Hague résume tout ce qui ne va pas dans la culture problématique des girlboss, dans ses tentatives d'ignorer les privilèges extrêmes dont jouit une femme blanche de la classe moyenne.
Holmes et Delvey étaient en quelque sorte des girlboss. La fameuse routine matinale de Holmes est tout droit inspirée de Molly-Mae et du contenu aspirationnel vu sur TikTok sous le hashtag #ThatGirl. Mais leur procès et leur débâcle extrêmement publics ont prouvé ce que la plupart des gens commençaient à comprendre : être une girlboss, c'est un scam. La culture girlboss est une arnaque sous couvert de féminisme, qu'il s'agisse de se présenter comme "ayant tout", d'agir comme si votre succès ne reposait pas sur l'exploitation de personnes vulnérables ou de suggérer que tout est possible pour les femmes qui travaillent suffisamment dur. Ce sont les mensonges que la girlboss doit se raconter à elle-même et au reste du monde pour réussir.
PublicitéPUBLICITÉ
Les arnaqueuses ont prouvé le caractère inefficace de la culture girlboss en affichant ouvertement leur immoralité et en admettant que leur comportement n'avait pour but que le profit. "J'ai fait ce que j'ai fait", a déclaré Delvey à Insider lors de sa première interview à sa sortie de prison. Hague et Amoruso sont moins explicites, utilisant presque le mantra des girlboss pour justifier l'exploitation de travailleur·euses de l'habillement mal payés dans la poursuite de leur propre succès à la tête des mastodontes de la mode rapide PrettyLittle Thing et Nasty Gal.
La culture Girlboss s'appuie également sur un modèle de réussite quasi impossible à atteindre, dans lequel les femmes sont amenées à croire qu'une femme leader peut résoudre les problèmes inhérents au capitalisme et à la culture des start-up en s'intégrant à ces systèmes et en les encourageant plutôt qu'en les démantelant. Le fait que Holmes et Delvey aient clairement ébranlé la culture du hustle - en refusant de fournir le travail nécessaire pour obtenir le type de succès auquel elles aspiraient - a fait d'elles les antihéroïnes accidentelles de l'ère des girlboss.

Elizabeth Holmes est toujours numéro 1 dans mon cœur, elle a commis une fraude, certes, mais elle l'a fait avec brio. Sans précédent pour une femme. Comme si elle était et est toujours le modèle de la girlboss corporate démente

Utilisatrice TIKTOK
Il ne fait aucun doute qu'il y a un élément de respect pour le duo de la part des personnes qui sont fatiguées par la culture du "hustle" qui consiste à vouloir "optimiser ses 24 heures". Travailler dur n'a jamais été moins cool. À vrai dire, la chose la plus tendance que l'on puisse faire en ce moment, c’est de démissionner. Une enquête britannique sur les forces de travail, publiée à la fin de l'année 2021, a révélé que les démissions et les transferts d'un emploi à l'autre au Royaume-Uni sont à leur plus haut niveau depuis 20 ans. Travailler de longues heures à un poste que vous prétendez aimer est quelque chose que les gens n'ont tout simplement plus envie de faire. "Plus de girlboss qui tienne, je veux me reposer, dormir, m'allonger, etc.", a écrit @colesucks dans un tweet viral.
PublicitéPUBLICITÉ
Holmes et Delvey n'ont jamais voulu travailler dur. La philosophie d'un·e escroc est la suivante : pourquoi faire plus quand on peut faire moins pour les mêmes résultats ? C'est précisément la raison pour laquelle elles se sont donné tant de mal pour tromper les gens qui les entouraient. Elles voulaient être riches, aisées et respectées sans faire aucun des efforts laborieux qui sont généralement nécessaires à une femme pour en arriver là. "Elizabeth Holmes est toujours numéro 1 dans mon cœur, elle a commis une fraude, certes, mais elle l'a fait avec brio. Sans précédent pour une femme. Épique. Comme si elle était et est toujours le modèle de la girlboss corporate démente", commente une utilisatrice de TikTok.
En affichant si ouvertement leur intention de duper, la fausse héritière allemande et la fondatrice de Theranos représentent une nouvelle facette de la culture girlboss, qui prouve que nous sommes tou·tes conscient·es des mensonges toxiques qu'on nous a fait avaler depuis tant d'années. Pour être une girlboss, il faut agir aux dépens des autres, que l'on soit honnête ou non. Après tout, personne n'a jamais parlé d’optimiser ses 24 heures de manière éthique.
Inventing Anna sera diffusé le 11 février sur Netflix.

More from Pop Culture

PUBLICITÉ