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Tampon & virginité : ces femmes répondent au mythe

De tout temps, le corps des femmes a été le champ sur lequel se livre la bataille de la moralité. Même avec nos lois modernes et nos modes de vie qui se veulent progressistes, les effets de la « vertu » et des « principes » se font toujours sentir, en particulier lorsqu’il s’agit du corps des femmes. 
Pour moi comme pour de nombreuses femmes, les règles sont encore aujourd’hui une question qui reste largement gardée sous silence. Je suis une femme africaine de confession musulmane, j'ai donc grandi avec l'idée que les tampons sont tabous. La seule option qui m’était proposée à la maison était la serviette hygiénique. On pourrait résumer mon éducation sexuelle (et les instructions sur comment appliquer mes protections hygiéniques) à ça :  « Si tu fricotes avec les garçons (place la serviette sur la culotte comme ceci), tu risques de tomber enceinte (plie les ailes en dessous comme ceci).» Plutôt simple, non ? L'idée de porter un tampon n'était pas seulement dérangeante, elle était tellement loin de ma réalité qu'il ne m'est même jamais venu à l'esprit de l’essayer. 
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Mon vécu trouve écho dans le discours d'une Kényane de confession chrétienne qui m’a contactée après avoir vu mon tweet. « Adolescente, mon éducation a lourdement été influencée par la culture de l’honneur et de la pureté, » m’a-t-elle confié. « Et plus particulièrement par la chrétienté évangélique, importée des Etats-Unis. Tout ce que je savais des règles, c'est ce que j’avais appris de mon école Catholique, où l’utilisation du tampon n’était pas bien vue et où on encourageait largement le port de la serviette hygiénique. » Ayant évité les tampons à l'âge adulte (elle en avait été dissuadée par peur du syndrome de choc toxique), mon tweet l'a encouragée à réessayer et, après de nombreuses tentatives et des vidéos sur YouTube, elle a finalement réussi !
Ces diktats sociaux sont tenaces, et souvent, le plus dur reste de se débarrasser de notre propre jugement. « L'accent mis sur la pureté m'a rendue très critique à l'adolescence et au début de la vingtaine », poursuit-elle. « [Je pensais que] la vie et la sexualité étaient une sorte de système de récompense, que le fait de conserver ma virginité me permettrait de gagner le respect et faisait de moi une meilleure personne que mes pairs, que je méritais toutes les bonnes choses qui accompagnaient ce qui est essentiellement un fantasme familial évangélique patriarcal. »
Le fait de vivre en France n'exempte pas les femmes de ces pressions. On ne compte plus les cliniques qui proposent des hyménoplasties ou « restauration de virginité », pour un tarif allant jusqu’à 3 000 EUR, le prix à payer pour retrouver une illusion d'honneur. 
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Globalement, les choix des femmes continuent d'être influencés par la notion de pureté, ancrée dans une structure socio-économique qui ne cesse de discriminer les femmes. Cependant, les femmes refusent que cela continue. Zahra, une étudiante en droit de 21 ans en Australie, m'a avoué que c'est aussi l'attrait d'une piscine fraiche par une journée chaude qui lui a fait sauter le pas « La première fois que j'ai utilisé un tampon, j'étais en vacances et je voulais désespérément me baigner dans la piscine ». Elle explique qu'elle a réussi à surmonter l'idée que c'était « sale » et a sauté le pas. 
« Avec ma fille », poursuit Zahra, « j'espère que je serai ouverte et que je réussirai à l'informer sur les règles et sur tous les produits disponibles. Je ne veux jamais que ma fille ait l'impression que je la juge ».
Faiza Ali, une femme noire musulmane, m'a dit qu'elle utilisait des tampons, mais qu'au début, cela l'avait mise mal à l'aise. « Quand j'ai commencé à en porter, je me sentais un peu coupable. J’avais l’impression que ça devait rester secret ».
« Culpabilité », « honte », « jugement » — voilà les mots qui reviennent le plus souvent lorsque je parle à ces femmes de leur santé sexuelle, de leur éducation sexuelle, de leur corps et de leur virginité. C'est tout à fait compréhensible quand on sait que les règles et le vagin ne sont pas des sujets de conversation qui ont leur place à la maison. Même pendant le mois sacré du Ramadan, de nombreuses femmes musulmanes font semblant de jeûner pendant leurs règles (ce qu'elles ne sont pas censées faire) pour ne pas gêner les hommes de la famille avec la chose la plus naturelle que le corps d'une femme puisse faire. 
Empêcher une femme d'explorer son propre corps ne peut que l’amener à ne pas se connaitre elle-même. Elle entrera dans l'âge adulte sans connaître son corps, son plaisir et, pire encore, sa propre santé.
Néanmoins, avec les plateformes, toujours plus nombreuses qui renversent le mythe de la pureté, avec les confidences des millennials sur Twitter et les femmes qui parlent de plus en plus ouvertement aux hommes, nous commençons à faire un pied de nez aux principes de moralité. Et peut-être qu'un jour, on ne verra plus le tampon comme une atteinte à la vertu de la femme.  

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