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Les millennials ont bousculé le mythe de la minorité modèle

On peut les voir sur un terrain de foot, de rugby, au cinéma, sur le petit écran, sur Instagram et YouTube. Eux, ce sont les Asiatiques millennials qui cumulent les réussites et qui aident à redéfinir l’image des Asiatiques en France. Plutôt que de se conformer aux stéréotypes de l'immigré modèle — studieux, discret, qui ne fait pas de vague — ils sont sportifs, drôles, populaires, sexy, créatifs et des leaders affirmés.
Pendant longtemps, la définition du succès pour de nombreuses personnes asiadescendantes s’est limitée à la réussite académique et extra-scolaire : la musique, plutôt que le sport ; réussir dans les domaines comme la médecine, le droit et l’ingénierie ; ainsi qu’une ascension sociale par le travail et l'éducation. Bien que cela fonctionne pour certains, ce n’est pas le cas pour tout le monde, loin de là. Tout particulièrement pour les immigrés de première génération et les réfugiés, dont l’expérience est souvent rendue invisible. Les médias ont tendance à relayer presque exclusivement l'expérience des Asiatiques de l’Est et en partie du Sud-est (à la peau claire) ce qui est réducteur pour les Asiatiques de France et l’histoire de l’immigration de notre pays.
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Bien que flatteur en apparence, ce mythe se sert du stéréotype de l’Asiatique travailleur et discret pour discréditer les autres minorités et minimiser les effets d’une discrimination systémique à l’encontre d’autres groupes ethniques marginalisés. De plus, il peut donner à de nombreux Asiatiques de France, qui n'entent pas dans ce cadre très restrictif, l’impression d’être un échec, ou même une anomalie.
Bien sûr, nombre de choses ont changé — notamment les modèles d’immigration, les progrès dans la représentation et la popularité retentissante de la culture asiatique en France et aux États-Unis. Mais de nombreux millennials asiadescendants se sentent toujours piégés par ces limites qui leur sont imposées. En fin de compte, ce stéréotype de minorité modèle prive les Français d'origine asiatique de leur individualité et de la diversité des millions de personnes qui la composent, aussi imparfaites soient elles. Autrement dit, on perpétue les attentes d'excellence et la pression qui en découle, même si le domaine d'activité change.
En France, Grace Ly, créatrice de la web-série « ça reste entre nous » chercher à déconstruire les clichés et mettre fin aux discriminations auxquelles fait face la communauté asiatique. Des célébrités comme les comédiens Frédéric Chau et Linh Dan Pham ou le chef Pierre Sang se sont alliés pour, eux aussi, dénoncer ces stéréotypes.
Le sujet de l'excellence revient souvent sur le groupe Facebook américain Subtle Asian Traits, qui compte actuellement plus de 1,3 million de membres de par le monde. « On dit souvent : on est Asiatique et pas Bsiatique, »(référence au système de notation par lettre américain) plaisante sa co-créatrice Angela Kang, au sujet des attentes académiques que peuvent subir les personnes de la communauté.
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Les études démontrent que la pression de réussir vient de toutes parts — parents, enseignants, amis, eux aussi axés sur la performance — mais aussi de l’intérieur. Une étude américaine par exemple a trouvé que « les enseignants étaient presque trois fois plus susceptibles de s'attendre à ce que leurs étudiants d'origine asiatique finissent leurs études supérieures, que les étudiants blancs dont les parents étaient nés aux États-Unis. » Au-delà des blagues et des mèmes, on retrouve des dizaines de publications sur le groupe Facebook abordant les thèmes de la dépression, de l'anxiété, de la volonté d’honorer les sacrifices familiaux, ainsi que du sentiment de devoir travailler dur et obtenir les meilleures notes. Et même au-delà du domaine académique, les personnes d’origine asiatique se décrivent souvent comme des « accros du boulot » et poussés à atteindre la réussite au plus haut niveau.
Ces plateformes ont certes permis aux personnes d’origine asiatique de forger des liens avec leurs pairs, confrontés aux mêmes problèmes, de trouver des modèles et se créer des opportunités, mais elles peuvent aussi contribuer à l'exacerbation du piège de l'exceptionnalisme. Que ce soit à Hollywood ou en France, de nombreux artistes proéminents ne se sont pas contentés d’attendre patiemment qu’on leur alloue des rôles. Des artistes aux multiples casquettes comme Anna Akana et Lilly Singh se sont forgées une énorme audience grâce à YouTube et Instagram, elles proposent des vidés populaires, des best-sellers, des tournées à guichet fermé... Mais malgré leur grande influence et leur sens aigu des affaires, leur esprit d'entreprise et leurs talents créatifs sont rarement reconnus par les médias grand public au même degré que ceux de leurs pairs blancs.
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Même lorsque les personnes d'origine asiatique sortent des sentiers battus et réussissent dans le domaine créatif, le sentiment de devoir honorer ses parents persiste. L’auteure, rédactrice et journaliste Mary H.K. Choi le décrit comme suit : « Est-ce que c'est quelque chose que ma mère pourra mentionner à l'église ? »
Choi a transformé son intérêt profond pour la santé mentale et la créativité en un micro-podcast appelé Hey, Cool Life! où elle aborde franchement les difficultés et des défis d'un travail créatif comme le sien.
Même si les sociologues Jennifer Lee et Min Zhou décrivent à quel point l’exceptionnalisme des millennials asiatiques semble séduisant, ce concept demeure un paradoxe et un piège. Celui-ci fait abstraction des nuances qui existent entre les individus.
« Nous faisons tou·te·s de notre mieux, et ce n’est pas facile, » explique Choi. « Le fait d’en parler, permet aux autres de mieux comprendre notre parcours et cela nous rend plus humain. »

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