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« Tu viens d'où ? » : 7 femmes nous confient leurs réponses

Photographed by Ashley Armitage.
Pour de nombreu·x·se·s Français·e·s, la question « tu viens d'où ? » peut être épineuse, bien qu’anodine à première vue — pourquoi ne voudrait-on pas en apprendre davantage à votre sujet ?
Mais pour celles·ceux qui sont né·e·s en France et qui ont tout du Français si ce n’est la forme de nos yeux ou la couleur de notre peau, la question semble vouloir insinuer que nous n'avons pas notre place ici. Il faut savoir que cette question revient (très) souvent. C’est une question que nous pose beaucoup d’inconnus, souvent quelques minutes à peine après notre rencontre. Ça arrive sans cesse.
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Certains avancent que pour être Français, il faudrait porter un « prénom du calendrier ».
Pour les personnes d'origine asiatiques, l’expérience diffère légèrement. On va par exemple les appeler « Chinoises » sans même se demander si c'est vraiment de là qu'elles viennent, ou encore on va nommer une salade Tching Tchong, pour sa « résonance asiatique ». Bien que ces exemples soient extrêmes, la question « d’où tu viens ? » serait presque une façon courtoise de dire la même chose : un·e Français·e doit avoir une certaine apparence, un certain nom, ou même parler d’une certaine manière, et ce n’est pas votre cas.
Pour celles·ceux à qui l’on pose régulièrement cette question, la réponse est loin d’être évidente. Voilà pourquoi nous avons demandé à sept employées de Refinery29 de partager avec nous leurs stratégies, leurs expériences, et ce qu'elles ressentent lorsqu’elles se voient confrontées à cette question. Certaines ont développé des techniques subtiles pour étaler ces préjugés au grand jour, alors que d’autres ont trouvé un moyen de transformer cette conversation, qui peut être inconfortable, en une occasion de créer des liens. Bien que pour certaines, ces femmes se trouvent aux Etats-Unis, leurs expériences n'en sont pas moins pertinentes.
Quoi qu’il en soit, il existe toute une variété de tactiques qui vous aideront à rester zen en attendant que la question passe enfin aux oubliettes. Et pour ceux que ça intéresse : une façon plus délicate de demander les origines d’une personne sans faire d’insinuations serait : « Tu as grandi à [nom de la ville où vous vous trouvez] ? »
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« Ma méthode de prédilection consiste à demander en termes simples : “Tu veux savoir où j’ai grandi, ou d’où viennent mes ancêtres ?” Cela les oblige à prendre une minute pour réfléchir au ridicule de la question, même si c’est bien ce qu’elles·ils demandent. Si c’est une personne caucasienne qui me pose la question, je réponds en disant : “D’accord, mais toi d’abord.” Cela me permet de répondre de la même manière que celle utilisée par les personnes blanches lorsqu’elles parlent de leurs ancêtres. Cela nous met au même niveau, même si c’est complètement absurde. » — Connie
« Quand on me demande d’où je viens, ma première réponse est toujours d'ici. Mais inévitablement, on a tendance à surenchérir avec un “oui, mais t'es de quelle origine ?” J’imagine qu’ils n’ont peut-être aucun sujet de conversation en dehors de mes origines ? Là je réponds, “Ben d'ici comme je viens de te le dire.” En général, ça suffit à mettre un terme à la conversation. » — Caroline
« Bien que j’aie la nationalité américaine, je suis arrivée aux États-Unis à l’âge adulte, alors la question n’est pas si lourde de sens pour moi. Ça ne me dérange pas qu’on sous-entende que je ne suis pas d’ici parce que dans un sens, c’est vrai. Mais parfois, j’ai l’impression que c’est juste une façon pour certains de vous coller une étiquette, ou de vous parler de leur séjour dans votre pays d’origine. Quatre-vingt-dix pourcents de ces histoires ne sont pas très intéressantes. Ça me gêne particulièrement quand le but de la démarche est de demander si je suis Chinoise, afin de me glisser les deux phrases qu’elles·ils connaissent en chinois (pas très bon qui plus est). En général, je leur réponds que je n’ai aucune idée de ce qu’elles·ils viennent de dire. » — Bourree
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« En général, je réponds simplement Taiwan, car ça me donne l’occasion de parler un peu de mon pays, qu'on ne connait pas toujours très bien. Mais parfois, on va me répondre quelque chose du genre “Oh, j’adore le pad thaï,” et là je sais qu’elles·ils ont urgemment besoin d’infos ! » — Rachel
« Mon interprétation de la question a tendance à être “à quel groupe ethnique tu appartiens, car je dirais peut-être irlandais, mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur ce que tu es ? T’ES QUOI ?! ” Je suis arrivée de Russie à l’âge de neuf ans, mais quand on me demande d’où je viens, j’ai tendance à répondre ‘Washington, D.C.,’ comme c’est principalement là que j’ai grandi. Comme on a tendance à me faire les gros yeux quand je réponds ça, je continue en général en expliquant que je viens de Russie. On commente inévitablement la qualité de mon anglais et le fait que je n’ai pas d’accent. Peut-être que ces commentaires sont voulus comme des compliments, mais je les trouve insensibles, car venir d’un autre pays ne veut pas forcément dire qu’on a un accent. Ça me donne également envie de prendre la défense des personnes qui arrivent ici et dont la qualité de la langue n’est pas aussi bonne que la mienne, voire inexistante. » — Natalie
« Souvent, quand je vais à l’épicerie ou que je suis dans un taxi, la personne (souvent asiatique) va me demander d’où je viens, je réponds toujours de bon cœur, car je sais qu’ils cherchent à savoir si l’on partage certaines expériences ou même une langue. C’est d’ailleurs également le cas de certaines personnes qui ne sont pas asiatiques. Il y a quelques années, alors que j’étais de visite dans le village principalement caucasien de mon copain, un vieil homme m’a fait signe de venir depuis l’autre bout de la pièce pour me demander : “Tu viens d’où ?” Je n’y passe pas par quatre-chemins et réponds que je suis Chinoise. Il a alors dit “J’ai fait le Vietnam” et a continué d’en parler pendant cinq bonnes minutes, jusqu’à ce que je le coupe en lui disant : ‘Je ne suis pas Vietnamienne, mais ravie de vous rencontrer,’ et j’ai quitté la pièce. C’était perturbant et triste. » — Mianne
« On me pose souvent cette question, mais malgré la fréquence, j'ai toujours l'impression d'être aliénée. Il y a en elle une certaine stigmatisation, l’idée qu’on ne serait pas d’ici, qu’on a l’air exotique. Nombreuses sont les personnes qui ont un niveau de compréhension superficiel de la diaspora asiatique, alors qu’on arrive au point du “mais d’où tu viens à l'origine” on a l’impression qu’on ne sera jamais réellement accepté. Souvent, on veut savoir si je suis moitié moitié (un terme que je déteste) — comme si le métissage était une sorte de recette miracle pour un monde post-racial. Une fois, je faisais du co-voiturage et j’ai commencé à discuter avec l'un des passagers. En plein milieu de la conversation, il m’a lancé, “j’avais bien vu que t’étais asiatique.” J'essaie vraiment de ne plus répondre aux personnes qui n’en valent pas la peine. » — Maria
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