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Ce que le confinement a changé dans notre rapport aux poils (& à l’épilation)

Photo par Zaineb Abelque.
Des aisselles au nombril, j'ai des poils partout. Et ils poussent à une vitesse affolante, quel que soit le soin que je porte à ma peau. Mon budget épilation annuel s'élève à environ 700 livres sterling (895 euros). Parfois, j'ai l'impression que mes poils ont déjà repoussé quelques heures à peine après les avoir épilés. Mais au plus fort de la pandémie, j'ai commencé à prendre plaisir à les regarder pousser. C'est devenu une sorte de jeu : jusqu'où peuvent-ils aller ?
Mes parents ont fini par me faire culpabiliser et me convaincre de m'épiler, bien que je ne fais plus que les demi-jambes en guise de résistance. Pourquoi ? Parce qu'en 2020, quelque chose a changé pour moi et je sais que je ne suis pas la seule. Les instituts de beauté sont fermés depuis de longues semaines, nous n'avons eu d'autre choix que de rester chez nous et, rappelons-le, il y avait des problèmes plus importants en jeu, comme notre santé et la date à laquelle nous allions revoir nos proches. L'année dernière a permis à de nombreuses personnes d'accepter pleinement leur pilosité, car au milieu de tout ce chaos, avoir du poil aux jambes (ou ailleurs) était bien le cadet de nos soucis.
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Mais au plus fort de la pandémie, j'ai commencé à prendre plaisir à les regarder pousser. C'est devenu une sorte de jeu : jusqu'où peuvent-ils aller.

En novembre dernier, l'actrice de The Crown, Emma Corrin, a fait la couverture de Glamour avec du poil aux aisselles. Dans son interview, Corrin a déclaré : "Je n'avais jamais osé le faire avant parce que j'étais en couple et je suppose que j'avais été formatée à penser qu'il était préférable pour tout le monde que je me rase. Mais merde, je n'ai pas vraiment envie de me raser ! Je me suis demandé pourquoi je le faisais quand même". Le point de vue de Corrin soulève une question intéressante : nous sommes-nous déjà épilés pour nous-mêmes ou le faisons-nous pour ne pas gêner notre entourage ? Et quelle influence a eu le confinement sur la façon dont nous voyons nos poils ?
Remettre en question notre rapport aux poils en cette période est assez logique. Les mesures de confinement ont signifié que nous avons été isolés de nos ami·es, de notre famille, de nos partenaires et de nos collègues - des personnes à qui nous serions peut-être gêné·es de montrer nos poils. Depuis la pandémie, c'est tout notre mode de vie qui a changé et cela s'est reflété dans nos habitudes de soins corporels. Beaucoup d'entre nous se sont rendu compte que le rituel de l'épilation était né d'une obligation plutôt que d'une nécessité. Sof, étudiante, a commencé à se laisser pousser les poils des jambes pendant la pandémie par "paresse" et a depuis adopté ce look. "J'ai bien l'intention de garder les poils de mes jambes", confie Sof. "Cela fait partie de la personne que je suis maintenant et j'aime bien avoir les jambes poilues". Sof dit qu'il lui arrive encore de se sentir gênée par ses poils de temps en temps, mais ajoute que l'acceptation de ses poils va de pair avec l'acceptation de son origine ethnique. "Je suis à moitié arabe et donc plus poilue que beaucoup de personnes blanches. Ce n'est pas quelque chose dont il faut avoir honte, mais plutôt quelque chose qu'il faut assumer", affirme Sof.
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L'année passée nous a donné la liberté de choisir de garder la totalité, une partie ou aucun de nos poils sans influence extérieure. Avec l'isolement lié à la pandémie, davantage de personnes ont vu leur corps en dehors de la pression des rendez-vous réguliers chez l'esthéticienne. Ella* est d'accord. "La pandémie a mis les choses en perspective pour moi", dit-elle. Avant, je m'épilais les poils des bras et du visage parce que des amis me disaient que c'était "trop", mais le fait d'être seule avec mon corps m'a fait réaliser que ce ne sont que des poils. Même si je m'épile les poils du visage maintenant que les choses se sont améliorées, je me sens libérée de ne pas avoir à me rappeler de me raser les bras. Avant, je dépensais beaucoup de temps et d'argent dans l'épilation, mais cet été, j'essaie de ne pas y penser".
De même, Olly dit que le fait d'être plus souvent à la maison a pour effet que "peu de personnes peuvent savoir" si les poils sont rasés ou non. Princess partage cet avis et affirme que le fait de n'avoir nulle part où aller a relégué au second plan sa routine d'épilation. La jeune maman ne s'est pas souciée des poils qui poussaient auxquels elle n'avait tout simplement pas eu accès durant sa grossesse. Princess dit qu'elle compte garder les poils de ses jambes une fois la pandémie terminée, mais qu'elle s'épilera sûrement les poils sous les bras. Elle insiste sur l'importance de se sentir à l'aise dans ce choix et affirme que c'est aussi parce qu'elle a vu d'autres personnes assumer leur pilosité sur les réseaux sociaux.
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Depuis la pandémie, c'est tout notre mode de vie qui a changé et cela s'est reflété dans nos habitudes de soins corporels. Beaucoup d'entre nous se sont rendu compte que le rituel de l'épilation était né d'une obligation plutôt que d'une nécessité.

TikTok a gagné en popularité depuis le confinement et a contribué à remettre en question la stigmatisation des poils visibles sur le corps des femmes. Le hashtag #bodyhairisnatural compte plus de 56 millions de vues, #bodyhairpositivity 22,3 millions et #bodyhaironwomen  226,2k vues respectivement. Les vidéos vont de personnes suggérant des alternatives naturelles à l'épilation, comme le sugaring, à des personnes montrant leurs poils de jambes et d'aisselles, accompagnées de légendes positives sur l'amour de soi et une réponse aux critiques. Solana, une TikTokeuse basée au Royaume-Uni, utilise le hashtag #bodyhairisnatural pour montrer à ses 414,9 millions d'abonné·es que les poils sont tout à fait normaux. Dans une récente vidéo virale, elle demande à ses followers : "De quelle couleur devrais-je teindre mes poils la prochaine fois ? Je pense au violet, au vert ou peut-être au rouge". Solana parle de ses poils aux aisselles, bien sûr. Les commentaires de soutien montrent que la pilosité n'est pas quelque chose à honnir mais à célébrer. Des Instagrammeuses comme Harnaam Kaur, Paris Jackson et, plus récemment, des TikTokeur·euses comme Solana montrent à celles et ceux qui ont du mal à accepter leurs poils que c'est tout à fait normal.
Nous avons été amenés à croire que la pilosité est un signe de masculinité. Cette idée suggère que quand on est une femme, moins on a de poils, plus on est "féminine". Certain·es utilisateur·ices TikTok insistent sur le fait qu'ils sont peut-être "trop" poilus, mais ces commentaires et ces messages sont rapidement repris et toute critique est tuée dans l'œuf. Les vidéos montrent également que la nouvelle tendance à l'acceptation des poils n'est pas prête de disparaître. La TikTokeuse Anna, qui parle ouvertement du fait qu'elle est une femme asiatique aux "poils épais, drus et foncés", en a récemment discuté sur l'application. En réponse à un commentaire d'un follower (un homme), elle a commenté : "Il y a cette conception selon laquelle les femmes ne devraient pas avoir de poils et je pense que c'est un choc quand ils voient la quantité de poils qu'une femme peut avoir". Faisant référence à une vidéo postée cette année, qui montrait ses poils sous les aisselles, Anna a poursuivi : "Quand j'ai fait cette vidéo, mes poils sous les bras n'étaient même pas à leur maximum, donc si ça vous dégoûte, je pense que c'est votre problème. Les poils sont naturels et si vous ne voulez pas les épiler, vous n'avez pas à le faire pour les autres".
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TikTok a contribué à remettre en question la stigmatisation des poils visibles sur le corps des femmes ; les commentaires de soutien montrent que la pilosité n'est pas quelque chose à honnir mais à célébrer.

On peut affirmer que l'industrie de la beauté et les médias exploitent les insécurités des femmes, et plus particulièrement des femmes racisées, dont les poils ont tendance à être plus foncés et plus épais que ceux des femmes blanches. "Je pense que c'était en grande partie motivé par le désir de se sentir adulte et d'imiter ce que nous voyions à la télévision ou dans les médias", explique Olly, faisant référence aux jambes totalement glabres des magazines et aux innombrables publicités pour des produits dépilatoires. Mais les choses ont changé l'année dernière. L'entreprise de beauté Billie continue de promouvoir sa campagne Project Body Hair, qui vise à montrer les poils sur le grand écran. Tout au long de 2020 et en 2021, le compte Instagram de la marque s'est engagé à montrer toutes sortes de femmes avec différents types de poils : longs, courts, foncés et tout ce qui se trouve entre les deux.
Cela me donne l'impression d'être représentée, car les posts sont tellement différents des femmes impeccablement rasées qu'on avait l'habitude de voir jusqu'à présent. Après avoir repéré la campagne Project Body Hair, j'ai su que je n'avais pas à cacher mon aversion pour l'épilation ; il y avait d'autres personnes comme moi. Sunny est une nouvelle marque de rasoirs qui s'est rendue populaire l'année dernière en défendant ce choix. Son slogan est le suivant : "To shave or not to shave. It's no biggie, is it? Prickly or smooth, it won't change the world." (Se raser ou ne pas se raser. Peu importe, non ? Une peau qui pique ou toute douce ne changera pas le monde.) Carol se fait l'écho de cette notion : "Accepter mes poils par petites touches n'est en rien un acte de résistance. Je veux simplement me sentir libre". Elle ajoute qu'après le confinement, elle ne s'épilera que lorsqu'elle en aura envie. Le fait d'avoir plus de contrôle a encouragé Carol à abandonner ses rendez-vous mensuels chez l'esthéticienne.
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D'un autre côté, l'épilation peut être considérée comme un acte de self-care, en particulier durant une année aussi stressante. Je peux en témoigner. Même si je ne m'épile pas toujours, je reconnais le sentiment de confiance en soi qu'une peau soyeuse peut apporter. Notre rédactrice beauté, Jacqueline, partage cet avis. Elle a récemment écrit : "En confinement, ma routine d'épilation rigoureuse implique bien plus qu'un rasage rapide. Je pourrais dire que c'est une forme de self-care. Pour certaines personnes, choisir de ne pas s'épiler, qu'il soit question de trouble de la pilosité ou non, peut être une source d'empowerment et de liberté. Pour moi, me débarrasser de ces poils chaque matin est tout aussi satisfaisant. C'est l'une des seules vraies routines qui me restent depuis le confinement, et cela m'aide à me sentir un peu moins stressée et anxieuse - même "normale" et bien dans sa peau, surtout quand les symptômes du SOPK, et bien sûr maintenant le confinement, nous font souvent nous sentir mal dans notre peau".
Il est indéniable que la pandémie a poussé de nombreuses femmes à changer de regard sur leur pilosité, qu'elles prennent plaisir à voir leur poil pousser - comme moi - ou qu'elles soient impatientes de se faire épiler par un·e professionnel·le. Alors que les instituts de beauté s'apprêtent à réouvrir en France, je sais que certain·es vont se précipiter chez l'esthéticienne. Mais pour d'autres, les poils sont désormais synonymes d'une liberté retrouvée. Que vous décidiez de les garder ou les épiler, c'est un choix personnel, et si l'année écoulée nous a appris quelque chose, c'est bien qu'il ne faut pas juger. Nous devons privilégier l'acceptation et la bienveillance. Cela s'étend à la façon dont nous abordons la beauté, en particulier les poils de notre corps.
*Le nom a été changé
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