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Non, ce n’est pas aux plus-size de “résoudre” le problème de la fast-fashion

Illustrated by Jordan Barton
Plus que jamais, il est important de favoriser un mode de vie durable. Alors que le consommateur moyen change ses habitudes d'achat, passant des produits bon marché à des produits plus green et plus coûteux, celles et ceux d'entre nous qui n'ont pas le budget pour le faire sont souvent critiqué·es dans les médias. Ce n’est un secret pour personne : la mode durable est une question de classe. Mais pour les consommateur·rices plus-size, c'est un problème encore accentué par le fait que les vêtements écologiques ne sont pas disponibles dans les grandes tailles.
Il existe des raisons commerciales pratiques pour lesquelles les marques indépendantes ne sont pas en mesure de fournir une gamme complète de tailles, le journaliste Jake Hall a discuté de ces obstacles avec Sophie Slater, co-fondatrice de Birdsong, avant le lancement de la marque radicale en prévente - mais le caractère abordable ou l'inclusion des tailles sont des faits rarement évoqués dans les campagnes de mode durable. Sur Instagram, cette situation frappe encore plus durement les influenceur·euses plus-size : beaucoup sont critiqués pour collaborer plus souvent avec des marques de fast fashion que les personnes minces.
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Joey Darlin, mannequin et influenceuse plus-size, confirme qu'on attend des fashionistas plus-size qu'elles soient plus "woke" que les autres. "Comme la communauté plus-size est souvent marginalisée, une grande part de celle-ci est basée sur l'activisme - à la fois de manière désinvolte et intentionnelle. Elle considère que "nous parlons des choses qui ne vont pas parce que nous savons que personne ne s'exprime jamais en notre nom". De ce fait, beaucoup de personnes attendent de nous que nous soyons actifs et "woke" sur toutes les questions."
Lauren Smeets, alias The Curvy Roamer, est d'accord pour dire que l’on attend des personnes plus-size qu’elles soient plus sensibles aux questions éthiques de la mode que les autres influenceur·euses. "Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais je pense qu'être gros·se est un combat permanent dans l'industrie. Toutefois, Smeets souhaite que cela se transforme en quelque chose de positif : "J'espère que les personnes qui ont connu un manque d'inclusion en raison de leur taille seront plus conscientes et plus bienveillantes envers les questions plus générales et plus importantes au sein de l'industrie". Danielle Vanier, une blogueuse plus-size, est d'accord avec Smeets et ajoute que "les personnes plus minces doivent prendre davantage conscience du fait que nous manquons cruellement de choix. J'aimerais que les personnes minces contribuent à amplifier notre voix et à faire pression sur les marques durables pour qu'elles proposent un plus grand choix de tailles".
Pour les personnes qui arrivent à trouver leur taille dans le style qu'elles aiment dans les magasins durables, cela a un coût. La mode écologique est souvent considérée comme un "investissement", une éthique esthétique qui requiert un achat onéreux pouvant être porté et re-porté au fil des années. Si, d'une part, il faut savoir que son corps sera le même d'une année à l'autre, il faut aussi disposer de ressources financières suffisantes pour pouvoir s'offrir ces vêtements coûteux. Il a été rapporté que les personnes plus-size gagnent en moyenne moins d'argent que les personnes de faible corpulence, et que la discrimination contre les gros·se place les personnes plus-size dans des tranches de salaire inférieure. Nous sommes encouragés à acheter des vêtements durables, mais il faut savoir si nous avons les moyens de le faire.
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Pour celles et ceux d'entre nous qui ne se sentent pas reflété·es ou inclus·es dans le mouvement durable, nous nous tournons souvent vers les friperies et les magasins de vintage pour dénicher des vêtements respectueux de l'environnement. Les applications de revente comme Depop et eBay, qui non seulement vous donnent accès à des vêtements du monde entier, mais qui défendent également une éthique de la mode circulaire, offrent beaucoup plus d'options en matière de tailles. Mais, tout comme nous sommes souvent limités aux achats en ligne parce que nos tailles ne sont pas disponibles en boutique, le choix dans les friperies IRL est presque inexistant.
Marie Southard Ospina, journaliste de mode plus-size, relate une expérience choquante dans une friperie, où elle ne prévoyait pas d'acheter des vêtements, mais où elle voulait en faire don :
"Une vendeuse m'a dit : 'Les grandes tailles ne se vendent pas chez nous, donc nous ne gardons pas de stock au-dessus de la taille 46'. Une autre m'a dit qu'il n'y avait pas beaucoup de personnes grande taille dans le coin et que tout ce qu’ils n’arrivaient pas à vendre finissait à la décharge. Tous mes vêtements allaient de la taille 50 à 56. Je sais pertinemment qu'il y a beaucoup de personnes plus-size dans le coin, mais je sais aussi que les gros·ses sont tellement habitué·es à ne pas être servi·es dans les magasins que beaucoup d'entre nous n'essayent même plus de faire des achats IRL".
Selon Alissa Schmitz, propriétaire de Plus Babes Vintage, l'idée fausse et préjudiciable selon laquelle les grandes tailles ne se vendent pas dans les friperies est très répandue. Sur les douze grossistes européens de produits vintage qu'elle a contactés lors de la création de son entreprise, seuls deux pouvaient approvisionner sa boutique en ligne. "Je pense que de nombreux magasins vintage tendent à exclure, car ils tentent de se positionner avec des clients 'cool'". déclare Schmitz. "Je suppose qu'ils ne considèrent pas que des personnes grande taille puissent l’être. Certain·es partagent des idées similaires à celles de Mike Jeffries, ancien PDG d'Abercrombie & Fitch, et trouvent simplement que les grandes tailles ne sont pas assez esthétiques pour représenter leur marque".
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Fiona Kennedy, qui conçoit et crée tous les vêtements de sa marque d'inspiration glamour et rock, KennedyDesigns, a expliqué que bien que les grandes tailles utilisent plus de tissu et des motifs plus grands, elle est déterminée à réduire les coûts ailleurs pour s'assurer que sa ligne est inclusive : "En fin de compte, proposer plus de tailles ne représente pas tant de travail supplémentaire, il faut juste le temps de niveler le modèle. J'encourage toutes les marques à envisager d'élargir leur gamme de tailles et à s'assurer que tout le monde a accès aux mêmes prix pour un style durable".
Dans un article sur la mode durable pour Metro, l'écrivaine et influenceuse Stephanie Yeboah a critiqué la notion selon laquelle ce sont les personnes grande taille qui devraient en faire plus pour la durabilité, et non l'inverse : "On ne progressera pas dans le domaine de la mode durable si certaines couches de la population ne disposent pas des outils nécessaires pour évoluer". L'écrivaine, styliste et consultante personnelle Aja Barber fait écho à ce sentiment. "Tant que le mouvement de la mode durable ne se sera pas réellement un espace plus inclusif que ce à quoi nous sommes habitués avec la mode, personne ne pourra s'attendre à ce que la communauté plus-size passe à la mode durable du jour au lendemain", me dit-elle. "Vous ne pouvez pas porter ces vêtements si personne ne vous habille, et beaucoup de marques de mode durable bien connues continuent de pratiquer la grossophobie. Je le sais : j'ai eu cette conversation encore et encore. Et ça suffit, j'en ai ras-le-bol de ces marques et de leur grossophobie".
La question de l'exclusion est un enjeu majeur pour de nombreux mouvements éthiques, tant dans le domaine de la mode qu'en dehors, mais les outils ne seront pas fournis aux personnes de grande taille si la société dans son ensemble ne l'exige pas. Si les blogueurs minces boycottent les marques de fast-fashion pour promouvoir la durabilité de la mode, ils devraient également boycotter les marques qui refusent de proposer une gamme de tailles complète à leurs clients. Comme le dit Ginger Minj, participante à la RuPaul Race, "Les gens solides sont solidaires". Et si cette solidarité était également exprimée par ceux qui ne nous ressemblent pas ? Cela pourrait peut-être donner lieu à de réels progrès, non seulement en matière d'inclusion, mais aussi de durabilité.

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