Avertissement : cet article aborde les thèmes de suicide, d'automutilation et de pensées dépressives.
Je suis une maniaco-dépressive. La plupart du temps, sortir du lit est une corvée, le week-end, je reste assise à la maison à regarder le mur pendant des heures, parfois j'oublie même de manger. Et de temps en temps, généralement une fois tous les quinze jours, j'entre dans une colère noire pour la moindre petite chose.
En grandissant, je ressentais beaucoup de colère. J'ai passé les premières années de ma vie dans le système de soins avant d'être adoptée, et j'ai porté mes traumatismes d'enfance à l'âge adulte. Pendant l'adolescence, mes excès de rage (jeter des meubles, jurer, crier) étaient considérés comme des angoisses d'ado, et mon incapacité à éprouver de l'empathie pour qui que ce soit était attribuée au fait que j'étais une adolescente égocentrique.
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Au milieu des années 2000, on ne parlait pas autant des problèmes de santé mentale qu'aujourd'hui. Ma famille n'avait jamais considéré celle-ci comme la cause de mon comportement, malgré le fait que je m'automutilais à l'âge de 14 ans. Ce n'est que lorsque j'ai été violée, cinq ans plus tard, que mon état mental a enfin été reconnu. Je suis devenue une recluse pendant six mois. Je ne mangeais pas, ne parlais à personne et j'ai tenté de mettre fin à mes jours à plusieurs reprises.
J'avais dirigé toute ma colère vers l'intérieur, essayant de me faire du mal à la moindre occasion pour me punir de ce qui m'était arrivé. Pourtant, sept ans plus tard, je suis toujours là (hourra) et je me demande pourquoi je n'ai jamais fait le lien entre ma colère et ma dépression.
Selon le Dr Dimitrios Paschos, psychiatre consultante chez Re:Cognition Health, la dépression et la colère fonctionnent en tandem. "On dit souvent que la dépression est une 'rage dispersée' et il est prouvé que la dépression est un facteur important de la violence chez les jeunes hommes. Mais certaines conditions de santé mentale peuvent rendre les accès de colère plus probables". Selon le Dr Paschos, ces accès de colère peuvent être épisodiques, par exemple dans le cas d'un trouble affectif bipolaire.
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On dit souvent que la dépression est une 'rage dispersée' et certaines conditions de santé mentale peuvent rendre les accès de colère plus probables.
Dr Dimitrios Paschos, Psychiatre
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Rakhi Chand, psychothérapeute et membre accrédité de la British Association for Counselling and Psychotherapy, est du même avis : "Souvent, la dépression est liée au sentiment d'impuissance, et la colère est utile pour cela".
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Chand ajoute : "Le lien entre les deux émotions est encore plus compliqué et exacerbé dans les attentes des femmes, et il est peu probable qu'il soit travaillé de manière saine, et finit par conduire à la dépression".
Au fil des ans, nous avons vu la colère des femmes rejetée à maintes reprises. Lorsque Serena Williams a cassé sa raquette de tennis et traité l'arbitre de "voleur" en réponse à sa défaite à l'US Open en 2018, le stéréotype de la "femme noire en colère" a refait surface et Williams a été condamnée à une amende de 13 000 £ (env. 15 573 €) pour son comportement. Et c'est loin d'être la première fois qu'une femme racisée voit ses émotions contrôlées.
À la télévision, les femmes en colère sont enfin représentées de manière réfléchie et nuancée. Dans la série Dead To Me de Netflix, nous rencontrons Jen (Christina Applegate), veuve depuis peu, dont le chagrin intense et les circonstances malheureuses alimentent la colère. Ses émotions se manifestent de diverses manières : elle pleure, crie après son voisin et ses clients, et malmène même sa nouvelle amie Judy (Linda Cardellini).
Par ailleurs, Hayley Williams du groupe de rock Paramore, a récemment abordé la question de sa rage, souvent exprimée dans sa musique. Dans une interview accordée au Guardian, elle a admis qu'elle ne voulait pas que d'autres personnes puissent utiliser sa colère comme munition. "L'un de mes plus grands moments de guérison a été de réaliser qu'une grande partie de ma dépression était de la colère mal placée. Je l'avais vraiment dirigée vers l'intérieur, sur moi-même, et je me sentais honteuse tout le temps".
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Je crie parfois à m'arracher la gorge, mes oreilles chauffent à en brûler et mes globes oculaires sortent de leurs orbites. Après coup, sachant que j'ai agi de la sorte, je m'assois sur mon lit, inondée de honte, la culpabilité pesant lourdement sur mes épaules.
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Après un épisode de colère, je ressens moi aussi de la honte et de la culpabilité, car mon comportement me choque. Je me considère comme l'une des personnes les plus calmes, les plus posées et les moins conflictuelles que je connaisse, et je suis donc surprise de voir que je crie parfois à m'arracher la gorge, que mes oreilles chauffent à en brûler et que mes globes oculaires sortent de leurs orbites. Après coup, sachant que j'ai agi de la sorte, je m'assois sur mon lit, inondée de honte, la culpabilité pesant lourdement sur mes épaules.
Un tel comportement ne me ressemble pas du tout et je tourne en rond en me demandant comment j'ai pu me permettre d'aller aussi loin. Comment cette jeune femme que j'ai connue toute ma vie a-t-elle pu se transformer en ce monstre que je ne reconnais même pas ? J'ai l'impression de vivre une expérience extracorporelle que je ne peux pas contrôler.
Je ne compte plus le temps que j'ai passé sur Google à taper "ce que cela signifie si vous explosez de colère" ou "comment gérer les crises" parce que tout ce que je veux, c'est "arranger" les choses, mais je ne sais pas comment.
"Il est souvent difficile pour les gens de demander de l'aide pour un problème de colère", me dit le Dr Paschos. "Ils peuvent penser qu'ils ont raison de se mettre en colère parce que 'les gens les insultent tout le temps'. Cela peut être vrai ou constituer un type de biais cognitif. D'autres fois, la personne peut avoir honte de sa colère et essayer de minimiser le problème".
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Alors que je gère ma dépression et mon anxiété avec une concoction de médicaments, ma colère semble être le symptôme qui a été laissé de côté.
Selon le Dr Paschos : "Les médicaments destinés à traiter un problème de santé mentale sous-jacent peuvent aider les symptômes de la colère s'ils sont utilisés avec précaution et sous la direction d'un spécialiste". Il recommande également d'abandonner ou de réduire l'alcool si celui-ci est un facteur. "Si la colère est alimentée par des sentiments facilement déclenchés de se sentir ignoré et trahi, alors une thérapie cognitivo-comportementale et une psychothérapie individuelle peuvent aider".
Le Dr Paschos poursuit : "Il existe bien sûr de nombreux autres moyens d'améliorer l'humeur, de renforcer la confiance en soi, d'apprendre à mieux se détendre, d'apprendre à reconnaître nos émotions, et tout cela contribue à une plus grande capacité à contrôler une colère volatile et explosive. Comme pour la plupart des problèmes de santé mentale, une intervention précoce est plus efficace et la première étape reste que la personne prenne conscience de son problème et cherche de l'aide".
Mind, une organisation caritative britannique en matière de santé mentale, suggère d'être attenti·f·ve aux signes avant-coureurs - un rythme cardiaque plus rapide, un corps tendu, si vous serrez les poings ou la mâchoire ou si vous tapez des pieds - car cela peut vous donner l'occasion de réfléchir à votre réaction avant d'agir.
L'association recommande également de faire une petite promenade pour se défouler et de parler à une personne de confiance qui n'est pas liée à la situation, comme un·e ami·e, un·e conseiller·e ou un groupe de soutien entre pairs.
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La colère est une émotion parfaitement valable et nous ne devrions pas nous refuser le droit de l'éprouver. Nous ne devrions pas avoir à nous sentir coupables de ressentir de la colère envers les injustices, nos emplois, nos environnements. La colère n'est pas une émotion négative ; elle peut être extrêmement utile pour apprendre ce qui nous dérange et comment, elle peut nous aider à effectuer des changements et à atteindre des objectifs et elle peut nous protéger dans des situations vulnérables lorsque notre réaction de lutte ou de fuite se déclenche.
J'ai réussi à contenir ma rage ces dernières années, en utilisant mon application Calm pour les séances de méditation, en notant mes crises dans mon bullet journal (ce qui est censé améliorer la responsabilité et la prise de conscience) et en faisant de l'exercice cinq fois par semaine pour faire baisser ma tension artérielle et mon taux de cortisol (l'hormone du stress). J'ai également essayé de fermer les yeux, de compter jusqu'à 10 et de sortir d'un environnement toxique si je me sens sur le point d'exploser.
Maintenant que j'ai identifié ma colère comme un autre symptôme de ma dépression, cela m'a permis de prendre le contrôle et de m'approprier qui je suis. J'ai accepté que je ne suis pas parfaite et que mes problèmes de santé mentale resteront avec moi, comme un invité indésirable qui ne part jamais. Mais je vis dans l'espoir que, maintenant que je me comprends mieux, je peux aborder les problèmes de front. Personne n'a à vivre en silence ou à souffrir seul·e : il est normal d'être vulnérable et de tendre la main quand on a besoin d'aide.
Si vous ou une personne que vous connaissez avez des pensées suicidaires, veuillez contacter Suicide Écoute au 01 45 39 40 00. L'association propose une écoute anonyme et confidentielle 24h/24 et 7j/7.
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