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Le “Sad Nipple Syndrome” : quand vos tétons vous dépriment

Photographed by Eylul Aslan
Le corps humain est incroyable. Vous vous souvenez de cette illustration, devenue virale sur Internet, qui montre que les seins ressemblent à des petites fleurs ? Ça m'a épatée. Cette semaine, j'ai appris autre chose de fascinant sur les seins, mais cette fois-ci, c'était sur les tétons.
Alors que j'étais scotchée devant le site web Reddit à 2h30 du matin (j'ai une vie sociale très active), je faisais défiler le subreddit Today I Learned (où les gens soumettent des choses intéressantes qu'ils ont apprises, si le titre n'est pas explicite) et je suis tombée sur quelque chose appelé le Sad Nipple Syndrome autrement dit le syndrome du téton triste.
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Une femme m'a dit que le fait de toucher ses tétons provoquait des sentiments "comme si j'étais enfant et que ma mère était sur le point de me réprimander pour avoir fait quelque chose de vraiment pas bien".

Le premier post faisait en fait référence au réflexe dysphorique d'éjection du lait, où les mères qui allaitent ressentent des émotions négatives lors de l'allaitement. Mais la plupart des commentaires qui suivent proviennent de personnes qui n'allaitent pas, mais qui se sentent "bizarres" quand on leur touche les tétons. Le "syndrome du téton triste" a donc fait son apparition, avant de se répandre dans divers autres forums sur Internet. Pas beaucoup, mais suffisamment pour être intrigant. Quand j'ai commencé à chercher si je pouvais parler à quelqu'un qui en avait fait l'expérience, je me suis dit que ce serait assez délicat. J'ai tenté twitter, et j'ai reçu 15 messages en 10 minutes. Aucun d'entre eux provenait de femmes enceintes, toutes étaient euphoriques de découvrir qu'elles n'étaient pas seules. Et les émotions qui découlent du syndrome sont bien plus complexes que ce que j'aurais pu imaginer.
"Je me souviens qu'il y a quelques années, sur un coup de tête, j'ai dit à mon petit ami de l'époque : 'Quand tu te touches les tétons, ça te rend jaloux ?' et il m'a répondu : 'Quoi ? Parce que d'autres personnes en touchent de plus beaux ?' Ce qui n'était pas vraiment ce que j'attendais", raconte Olivia, 27 ans, qui travaille dans les relations publiques dans le Kent en Angleterre. "Mais c'est ça que je ressentais depuis longtemps, non pas comme de la tristesse, mais plutôt comme une vague de jalousie qui me submergeait".  
Jen, une écrivaine et interprète du Nottinghamshire, n'a eu qu'un bref épisode avec le syndrome du téton triste avant qu'il ne disparaisse mystérieusement lorsqu'elle est devenue sexuellement active. "La meilleure façon pour le décrire serait comme avoir le mal du pays pour un endroit où je ne pourrais pas retourner", dit-elle à propos de ce sentiment. "Il s'est atténué assez rapidement, mais était intense à l'époque, un peu comme du déjà vu".
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Une autre femme, Tracey, m'a raconté que le fait de toucher ses tétons provoquait des sentiments "comme si j'étais enfant et que ma mère était sur le point de me réprimander pour avoir fait quelque chose de vraiment pas bien, ou si j'avais fait quelque chose de mal et que je devais l'affronter". Une femme m'a envoyé un message pour me dire que le fait de toucher ses tétons la mettait incroyablement en colère. Autrement dit des tétons Hulk ! Une autre a ressenti un sentiment de nostalgie à la limite de la nausée. Le retour des tétons d'enfant des années 90 ! Une autre, comme si elle avait perdu quelque chose et ne pouvait pas le retrouver. À la recherche du téton perdu ! Ok, trêves de plaisanteries.
Toutes mes interlocutrices ont cependant reconnu que ce sentiment profondément personnel durait entre 10 et 20 secondes au premier toucher, et s'atténuait une fois que tout contact avait été interrompu. De plus, aucune d'entre elles ne savait que c'était un syndrome, soit elles pensaient qu'elles étaient anormales, soit elles pensaient que c'était une partie normale de la vie de chacun.

"J'ai parfois délibérément touché mes propres tétons pour provoquer cette sensation, parce que je savais que ce serait agréable quand je m'arrêterais et que cette horrible sensation disparaîtrait, comme ma propre petite drogue"

Mais il semble qu'il y ait aussi d'énormes différences. Alors que le mal du pays de Jen s'est atténué lorsqu'elle a commencé à avoir des relations sexuelles, la jalousie d'Olivia disparaît complètement pendant les ébats et revient lorsqu'elle est au repos, et la culpabilité de Tracey reste constante, ce qui signifie qu'elle ne peut pas vraiment impliquer ses tétons dans sa vie sexuelle. La façon dont elles font face à ces sentiments varie également d'une personne à l'autre ; alors que ça affecte à peine la vie de Tracey, Olivia utilise les émotions comme une sorte de mécanisme d'adaptation.
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"J'ai parfois délibérément touché mes propres tétons pour provoquer cette sensation, parce que je savais que ce serait agréable quand je m'arrêterais et que cette horrible sensation disparaîtrait, comme ma propre petite drogue", dit-elle. "Je n'ai jamais vraiment été inquiète, je pensais juste que c'était étrange. C'est vraiment juste une petite bizarrerie pour moi."
Donc, que se passe-t-il exactement ici ? Pourquoi certaines personnes éprouvent-elles des sentiments aussi intenses à propos de leurs tétons, alors que d'autres (comme moi) sont un peu déçues par cette absence de créativité ? Ce qui est bizarre, c'est que la plupart des professionnel·les de santé semblent n'en avoir jamais entendu parler.
J'ai essayé de demander aux médecins, aux généralistes, aux psychologues et aux obstétricien·nes, et j'ai accidentellement appelé le service de presse d'un cabinet d'avocats où, rétrospectivement, la femme au téléphone aurait dû m'interrompre beaucoup plus tôt qu'elle ne l'a fait. À part elle, la réponse a toujours été une version de "De toutes mes (tant) d'années d'expérience, je n'ai jamais entendu parler de ça" avant de me suggérer de contacter The Royal College of Midwives. Qui n'en avait jamais entendu parler non plus. Tous ceux et celles à qui j'ai posé la question ont clairement, si ce n'est poliment, pensé que j'étais folle.
Oh ! Me suis-je suis dit. Une autre question féminine dont on ne sait rien à cause de la misogynie qui est enracinée dans la recherche médicale et scientifique ! Tout comme les différences entre la contraception masculine et féminine ! Et comment l'endométriose est encore mal diagnostiquée alors qu'elle touche une femme sur dix dans le monde !
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Sauf que ce n'est pas le cas. Parce que deux femmes m'ont contacté au sujet de leur compagnon, disant qu'ils avaient vécu une chose similaire "mais qu'ils préféraient mourir plutôt que d'en parler", ce qui m'a fait remarquer qu'on ne sait rien sur la répartition des sexes du syndrome du téton triste. Il peut s'agir d'un problème essentiellement féminin, ou d'un problème essentiellement masculin. Ou peut-être même que les poules en font l'expérience. Qui sait ?
Je peux difficilement reprocher à la profession médicale un manque de connaissances alors qu'aucun des cas avec qui j'ai parlé n'avait abordé le sujet avec un médecin. Pourquoi le feriez-vous ? Ce n'est pas vraiment une urgence médicale ni même un problème médical, et si on est honnête, ce serait une sacrée histoire à évoquer. Je ne peux pas discuter de ma mycose avec mon généraliste sans que mon corps n'ait envie de disparaitre dans mon propre cul (ce qui n'aiderait probablement pas la mycose).

Plus on en parle, plus vite on peut unir les tétons émotionnels.

De même, je pense qu'on préférerait tou·tes·s que les chercheurs médicaux se concentrent sur la lutte contre le cancer du sein ou sur la découverte d'un remède à la maladie d'Alzheimer plutôt que sur le mal du pays à court terme causé par le téton, aussi fascinant que cela puisse être. 
Il y a, comme la journaliste Eleanor Morgan l'a constaté et écrit dans son brillant livre Hormonal : A Conversation About Women's Bodies, Mental Health And Why We Need To Be Heard, une seule étude de 2011 qui se rapporte à cette idée. Elle a été rédigée par le Dr Barry Komisaruk, un psychologue qui faisait des recherches sur la neuropsychologie de l'orgasme féminin. Pour son étude, il a demandé aux participant·es de stimuler leurs zones érogènes tout en étant attaché·es à un scanner cérébral. Comme le note Eleanor, "on espère que des rideaux décents ont été installés, ou qu'une des Nocturnes de Chopin résonnait dans les haut-parleurs".
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Ce que Komisaruk a découvert, c'est que la stimulation du téton illumine la zone du cerveau où les sensations génitales sont reçues, ce qui rend possible que la stimulation du téton puisse déclencher la libération d'ocytocine (une hormone impliquée dans l'allaitement et la création de liens d'attachement) même si une femme n'allaite pas.
Le fait est qu'on n'a pas besoin de chercheurs médicaux pour nous expliquer le pourquoi du comment. En fait, on a juste besoin que les gens soient plus ouverts, pour que ceux et celles d'entre nous qui ont des émotions liées aux tétons ne se sentent pas si seul·es. Si l'on considère que le peu de personnes qui ont bien voulu parler connaissaient d'autres personnes qui ressentent la même chose, il est peut-être temps de commencer à parler davantage de nos tétons à notre entourage. "Ouais, le travail c'est bien, merci, mais est-ce que tu as un profond sentiment de regret quand tu caresses tes tétons ?"
Ou peut-être devrions-nous le faire d'une manière moins choquante et moins brutale ? C'est un processus lent, certes, mais des articles comme celui-ci, et d'autres forums comme Reddit et Quora commenceront certainement à faire connaître le syndrome du téton triste. Plus on en parle, plus vite on peut unir les tétons émotionnels et susciter l'intérêt de chercheurs qui ne sont pas impliqués dans d'autres affaires bien plus urgentes, et qui ont du temps libre et de l'argent à disposition. Pour être honnête, je n'envisage pas de retourner à l'université pour faire un doctorat sur le syndrome du téton triste.
Il y a sans doute beaucoup d'autres bizarreries physiques dont on n'est pas pleinement conscient·es. Par exemple, bien que mes seins puissent être ennuyeux, un type m'a tweeté l'autre jour pour me demander si je voulais parler "exactement de la même sensation, mais quand quelqu'un vous met le doigt dans le nombril", et j'ai soudain réalisé que je connaissais complètement cette émotion. Si je mets mon doigt dans le nombril, je ressens un sentiment de dégoût mêlé à une peur écrasante. Un jour, mon copain l'a fait pour plaisanter et j'ai failli l'assommer. Comment n'avais-je pas réalisé ça avant ? Ça m'a encore une fois épaté ; le corps humain est vraiment incroyable. Oh, et si vous ressentez la même chose à propos du nombril, s'il vous plaît, tweetez-moi. C'est une joie absolue de sentir que vous n'êtes pas seul·e.
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