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La joie de recevoir dans de petits espaces

Illustrated by Ellen Mercer
Je suis devenue particulièrement relou précieuse en ce qui concerne mon appartement. J'ai toujours en tête ce que j'ai prévu de faire dans les heures ou les jours prochains, comme nettoyer le frigo, passer l'aspirateur sous le lit, acheter des fleurs (j'ai un faible pour les fleurs fraîches, elles me rendent heureuse, ok ?!) - une liste qui vient s'ajouter à tous les autres bouleversements que j'ai prévu d'amorcer dans mon appartement sans mettre ma caution en péril.
Impossible de me détendre avant d'avoir terminées toutes mes tâches, ce qui signifie aussi que je passe beaucoup plus de temps à m'inquiéter de l'état de mon appart qu'à profiter réellement de lui. Sans le vouloir, je me retrouve à regarder mon appartement avec les yeux d'un étranger ou à travers la lentille d'une story Instagram. "Tu crois que les gens penseraient quoi de ton appartement ?"
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Bien qu'une grande partie de tout ça soit enraciné dans mes propres névroses obsessionnelles, je sais que le problème va bien plus loin que ça, bien plus loin d'ailleurs que ma petite personne. Après tout, on a tous envie de se sentir chez soi, ou même simplement de vivre quelque part qu'on ne déteste pas activement. Or, la flambée des loyers et les arrangements ridicules auxquels est confrontée notre génération ont fait de ce besoin un vrai luxe, un eldorado qu'on poursuit activement tous les jours et qui semble s'éloigner toujours plus à mesure qu'on s'en rapproche. Forcément, cette situation de crise s'accompagne d'une fascination pour la déco, l'architecture et quelque part aussi par notre passion pour les voyages, l'ailleurs. Une asymétrie qui se voit particulièrement bien sur Instagram, où les déco lovers et autres chineurs de brocante populent comme des petits pain.

Dans un épisode de Decoder Ring d'ailleurs (le podcast mensuel de Slate qui déconstruit les mystères de notre société), Willa Paskin explore l'essor des coussins décoratifs et comment cet objet apparemment inutile est devenu omniprésent dans l'imagerie de la déco d'intérieur. Et même si plusieurs forces entrent en jeu (y compris le capitalisme, l'influence des designers et les émissions télé, mais pas que), Willa souligne que le besoin de se concentrer sur son lieu de vie coïncide souvent avec les bouleversements politiques et culturels. Ce n'est pas un hasard si les oreillers décoratifs sont apparus pour la première fois dans les maisons victoriennes de la classe moyenne pendant la révolution industrielle, une période de chaos culturel, pour connaitre un nouveau boom…aujourd'hui. Quoi qu'on en dise, nous sommes de plus en plus attachés à notre intérieur, on veut que notre appartement/maison/chambre nous procure un sentiment de confort, de sécurité et nous reflète autant que possible, un peu comme les ados qui recouvrent leurs murs de posters de leurs stars préférées. Et ce, parce que tous les marqueurs de l'âge adulte tels que la stabilité, la retraite et l'accès à la propriété se sont fait la malle. En d'autres termes, et comme disent souvent les réac, "tout fout le camp" (pardon pour cet emprunt).
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Tout ça se tient si on croit fermement que notre intérieur n'est rien d'autre que le reflet de nous-même. Sauf que nos goûts et les standards que nous nous imposons sont rarement - voire jamais - de notre propre fait. Si bien qu'on en arrive parfois à complexer sur notre petit chez soi, au point d'en avoir honte ou de se focaliser là-dessus, voire même de n'y jamais laisser entrer quelqu'un d'autre. Aussi bizarre que cela puisse paraître, recevoir des gens chez moi alors que ma maison n'était pas "en état" (dans mon cas, comprenez "propre" mais "décorée", "rénovée", "plus grande", etc. marche aussi) me donnait parfois l'impression de sortir sans maquillage - c'était pour moicomme exposer, comme laisser quelqu'un regarder derrière le rideau de la personne que je veux être, pour me voir telle que je suis. Cela s'appliquait à tous, des parents aux amis proches en passant par mes dates d'un soir. Mais je n'avais pas vraiment réalisé à quel point je me mettais une pression inutile usqu'à ce que je lise ce tweet de l'inimitable Amy Sedaris :
En plus d'être une excellente scénariste, elle a dit un jour ces mots qui m'ont fait complètement arrêter de complexer sur mon appartement. Peu importe que vous n'ayez pas de table de salle à manger ou de porte-manteau, ou que votre lit-canapé soit un peu merdique. Car comme l'a dit Amy : "Tu vas mourir un jour, tes amis ne se soucient pas de ça." Au lieu de re mettre indéfiniment à plus tard ce dîner entre amis dont vous avez toujours rêvé, prenez le téléphone et invitez-les à manger sur le canapé avec vos plats mal assortis sur les genoux.
Les maisons, comme les gens, évoluent et changent constamment, et il est inutile d'attendre que la vôtre soit assez grande ou bien décorée pour recevoir". Être assis par terre ne signifie pas que vous êtes toujours étudiant à l'université ; ça montre juste que vous et vos amis êtes suffisant relax. Ils s'en foutent aussi que votre évier soit un peu sale. Et si c'est le cas, c'est que ce ne sont sont probablement pas des gens bien, alors qu'ils aillent se faire foutre. Rappelez-vous ce que dit Amy "Comment oses-tu, tu vas mourir un jour..."

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