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La mastectomie, mes implants mammaires et moi

Illustration by Vero Romero.
A l’âge de 27 ans, Joanna de Fina apprend qu’elle est porteuse d’une mutation sur le gène BRCA1. Ce qui veut dire qu’elle a de très grandes chances de développer un cancer du sein dans un futur proche. Des années plus tard, elle décide de subir une double mastectomie suivie d’une chirurgie réparatrice - tout ca à l’âge de 31 ans. Dans un entretien qu’elle donne à Refinery29, elle revient sur les étapes de ces opérations, la convalescence, les complications, ses angoisses mais aussi l’impression d’en être ressortie plus forte. Propos recueillis par Rachel Krause.
A la quarantaine, la mère de mon père est morte d’un cancer du sein ; ses tantes, elles, n’avaient pas encore dépassés les quarante ans quand elles sont décédées de la même maladie. Mon père et moi avons donc décidé de nous faire tester chez un généticien. C’est là que j’ai découvert que j’étais fortement susceptible de déclarer une mutation du gène BRCA1. Ça m’a pris un moment avant de me renseigner sur la mastectomie. A l’époque, j’étais encore étudiante en école de commerce et j'enchaînais les stages dans des villes différentes. Quand j’ai emménagé à New-York, je savais que j’allais y rester pour un moment. C’est à ce moment là que j’ai pris rendez-vous avec un chirurgien. La date d’opération était fixée à juillet 2014.
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J’ai fait ça en prévention du cancer. J’avais trop peur des conséquences et je tenais absolument à vivre ma vie comme je l’avais toujours connue - dans la mesure du possible. Je n’ai jamais hésité à me faire poser des implants après l'opération. Pour moi, mes seins font partie intégrante de moi - et de mon identité de femme aussi. Je ne pense pas qu’il y avait forcément un choix à faire entre ma santé et mon physique.
On a d’abord commencé par une petite opération que mon chirurgien m’avait recommandé de faire avant la mastectomie. L’idée était de retirer un maximum de tissus pour que le sang circule différemment dans le sein. La plus grande difficulté quand on souhaite se faire poser des implants après une mastectomie, c’est qu’on a plus de tissus pour irriguer la peau en oxygène.
Illustration by Vero Romero.
Quand je vois toutes les complications qui ont suivies ma mastectomie, je suis contente qu’on ait décidé de procéder comme ca. J’ai effectivement eu des problèmes de nécrose. Ma peau avait de plus en plus de mal à recevoir le sang et l’oxygène nécessaires à sa survie. Pour palier, j’ai dû faire plusieurs séances d’oxygénothérapie HyperBare, c’est-à-dire qu’on vous place dans une cellule et vous fait respirer de l’oxygène pure. En terme de pression, c’est un peu comme si vous vous trouviez à 10 mètres sous l’eau. C’est supposé aider les vaisseaux sanguins à mieux se nourrir en oxygène.
La thérapie a fonctionné, mais quelques temps après que la nécrose se soit résorbée, j’ai eu une infection au sein droit, principalement due à de mauvais échanges de fluides dans le sein. Je ne me souviens pas vraiment du type d’infection que c’était, et très franchement je préfère ne pas m’en rappeler.
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Puis vient la mastectomie. C’est là qu’on vous retire les tissus restant et, dans mon cas, qu’on va placer ce qu’on appelle des « extenseurs ». C’est un peu comme des ballons que le chirurgien remplit progressivement avec un fluide - jusqu’à ce qu’ils aient atteints la taille désirée pour accueillir les implants. On a dû m’enlever un des extenseurs le temps de régler l’infection. Il y a eu pas mal de moments d’incertitude sur la suite de l’opération, si on allait vraiment pouvoir me poser des implants ou pas… Evidemment, tout ça m’avait aussi laissé avec des cicatrices sévères, ce qui s’ajoutait à tout ce à quoi mon chirurgien esthétique devait penser.
On a fini par me remettre l’extenseur dans le sein droit, et on a pu reprendre la procédure jusqu’à ce mon corps soit en mesure de recevoir des implants. Ma toute première opération a eu lieu en juillet 2014. La dernière, en février 2015. Autant dire que ça a été une expérience longue et éprouvante. Il y a eu des moments où je me sentais complètement impuissante. Je ne savais pas combien de temps tout ça allait durer, ni à quoi je ressemblerai après...C’est un peu comme si on vous demandait de retenir votre respiration et foncer tête baissée dans quelque chose sur lequel vous n’avez aucun contrôle. Il n’y a plus qu’à espérer que tout se passe bien. Je dois dire que j’ai vraiment eu de la chance avec mon employeur. J’ai pu prendre des congés maladie sur plusieurs semaines, on m’a laissé travailler depuis chez moi et puis j’avais aussi une manager avec qui je me sentais à l’aise pour parler de ça. Elle a vraiment tout fait pour que je traverse cette épreuve le plus facilement possible. Je pense que j’ai eu plus de chance que la plupart des gens à ce niveau-là. Même chose avec mon assurance : elle a couvert plus de 80% de mes frais, y compris la chirurgie réparatrice et donc la pose d’implants mammaires.
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Personne ne veut avoir à vivre ca. Mais j’ai tellement appris sur moi et sur les gens qui m’aiment.

Une expérience comme celle-ci vous prend tout votre temps et votre énergie. C’est un tout : d’abord il y a la peur de l’intervention, ensuite la convalescence. Et les éventuelles complications. Mais il y a aussi l’impact psychologique d’une telle opération sur votre mental. Entre le moment où on a retiré la graisse de mes seins et la pose d’implants, j'avais beaucoup de mal à me sentir femme. Un peu comme si j’étais asexuée. J’étais célibataire à l’époque, et très franchement, l’idée de sortir avec quelqu’un n’était pas du tout une option pour moi. Et ce n’était pas seulement lié au fait que je n’avais plus de poitrine. Même après l’opération esthétique - que je savais réussie - j’avais toujours du mal à considérer ce corps comme le mien. J’ai mis au moins un an à me réajuster, à recréer cette connection et finir par me sentir bien dans mon nouveau corps.
Personne ne veut avoir à vivre ca. Mais j’ai tellement appris sur moi et sur les gens qui m’aiment. Je suis fière d’avoir connu une telle épreuve et j’ai le sentiment d’être devenue quelqu’un de meilleur. Chaque aspect de ma personnalité a été mis à l’épreuve : ma patience, ma tolérance à la douleur, ma capacité à me reposer sur les autres et puis aussi à affronter l’inconnu. J’ai dû apprendre à me laisser aller, à accepter que je ne pouvais pas tout contrôler et faire confiance aux autres, que ce soit mon docteur, mon cercle d’amis ou ma thérapiste. Pour des raisons que j’ignore, avoir à me reposer autant sur les autres ne m’a pas fait me sentir faible, au contraire, ça a été tellement enrichissant. Il y aussi le fait de savoir que j’ai considérablement réduit mes chances de développer un cancer du sein. Avant, c’était ma plus grande peur. J’y pensais tout le temps. Je me souviens m’être réveillée de ma mastectomie avec un sentiment de soulagement intense.
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Illustration by Vero Romero.
Pour être honnête, je me sens mieux dans mon corps aujourd’hui qu’avant l’opération. Avant, je perdais tellement d’énergie à me soucier du jugement des autres, alors même que je prenais soin de mon corps. Quand on passe par autant d’opérations, on a plus cette gène. Mon docteur et ses équipes ont fait un travail formidable. C’est difficile d’exprimer la gratitude que je ressens avec des mots. C’est comme si je ressentais les choses plus intensément aujourd’hui. Toute cette positivité, et puis aussi les résultats de l’opération ont complètement changé ma manière de juger ma beauté physique et mentale.
Apparemment, mon cas est assez unique en son genre. Selon mes médecins, on fait difficilement plus éprouvant. Ce que j’ai appris sur les complications dans la maladie, c’est ça : que ça peut être très complexe. Après une telle opération, le corps se met à réagir de tellement de façons différentes qu’on ne peut pas toujours prévenir ce qu’il va se passer. Deux personnes peuvent répondre complètement différemment à la même intervention.
Mon chirurgien esthétique fait maintenant partie de ma famille. Ça a été une expérience tellement éprouvante pour nous tous, et je savais que la seule option pour lui était que le résultat soit parfait. Je suis presque choquée du résultat, quand je vois à quel point mes seins sont beaux aujourd’hui et la chance que j’ai eu que tout se soit bien terminé. J’ai toujours le même bonnet, mais la forme de mes seins est différente : ils ont l’air plus larges, plus fermes et rebondis. J’ai pu garder mes tétons, ce qui était très important pour moi. D’autres femmes atteintes du cancer n’ont pas cette chance.
Six mois après l’opération, je suis retournée chez mon chirurgien pour un contrôle. Je me souviens de cette infirmière que je n’avais jamais vu auparavant. Elle était en train de prendre des photos de ma poitrine, quand elle a demandé : « waouh, mais dis donc qu’est-ce que vous avez fait ?! ». Je crois qu'elle pensait que j’avais augmenté le volume de mes seins ou fait un lifting. Mon docteur et moi on s’est regardé et on s’est mis à rire. Mon dieu, si elle savait tout ce par quoi on est passé pour en arriver à ce résultat.
No Filter est une série de chroniques sur les procédures médicales et cosmétiques - sans jugement, ni hypocrisie ou stigmatisation.

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