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Le monde fascinant de Carlota Guerrero, la photographe de Solange

"Mon travail avec Solange a eu une énorme influence", déclare Carlota Guerrero à propos de la couverture de l'album "A Seat at The Table" de 2016. "Ça a changé ma carrière". L'image, qui a été célébrée comme iconique presque dès sa diffusion sur les réseaux sociaux, montre Solange à partir des épaules, les cheveux ornés de pinces en bec de canard aux couleurs vives, les paupières légèrement brillantes. Sorti fin septembre, l'album annonçait une nouvelle phase pour l'artiste - sur le plan musical, esthétique et politique - et ce portrait émouvant de Guerrero en marquait le début. Aujourd'hui, cette photo fait partie d'un épilogue, figurant aux côtés de 250 autres images dans la première monographie de l'artiste multidisciplinaire : l'épilogue de huit années de carrière. "Il était très important pour moi de présenter ce livre comme le moment final d'un cycle de ma vie," explique Guerrero.
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Tournage de Cranes in the Sky, A Seat at the table 2021
Intitulé Tengo un Dragón Dentro del Corazón - "[Cela] se traduit par 'J'ai un dragon dans le cœur' et symbolise la persévérance, la persistance et l'initiative. Le dragon qui vit dans mon cœur est cette énergie infinie d'où je tire ma force et mes idées. C'est une version sauvage de Dieu" - le livre met en avant les tableaux intimes pour lesquels Guerrero est particulièrement connue. Photographiant des femmes de tailles, de corpulences et de couleurs de peau différentes, souvent regroupées dans des ensembles animés, défilant dans Barcelone (comme dans ce reportage qu'elle a photographié pour Playboy), se tenant en rang, leurs corps déformés en post-production (comme dans l'éditorial photographié pour Numéro plus bas) ou faisant écho à La naissance de Vénus de Botticelli (vaguement canalisé dans plusieurs projets), le travail de Guerrero traite principalement de diverses itérations de la forme féminine. Si vous remontez assez loin sur sa page Instagram, vous trouverez une influence précoce dans le travail de la regrettée artiste américaine Bridget Polk : des pierres en équilibre empilées et bien galbées. Neutres dans leur palette et de configurations différentes, elles ont un point commun avec les figures des photographies de Guerrero.
Mais c'est surtout le thème plus large de la nature qui inspire l'oeuvre de Guerrero. "J'obtiens toute mon inspiration en ouvrant ma conscience et en recevant toutes ces idées et informations qui flottent dans l'air, les arbres et la mer", explique-t-elle à R29. "Je m'ouvre et je capte des images et des scènes - il m'est impossible de me reposer tant que je ne les ai pas représentées". Cette obsession pour des choses plus profondes que l'esthétique superficielle est ce qui sépare son travail de celui de ses contemporains. Explicitement féministe dans sa perspective et avec une esthétique floue partagée par d'autres, Guerrero s'éloigne des caractéristiques féminines subversives en faveur de tons qui servent mieux ses objectifs visuels. Ruminant une dualité de force et de vulnérabilité, le résultat est un ensemble d'œuvres qui ont contribué à remodeler le paysage créatif de ces dernières années.
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Quatre corps rouges en fusion pour Numéro Berlin, 2019
Conséquence évidente de son attirance pour la nature, la nudité qui imprègne son travail est un élément central de sa démarche et de son identité visuelle. "Les vêtements sont quelque chose qui sépare mon objectif du sujet que je dépeins", note-t-elle. " Cela ajoute une couche d'informations que je ne veux parfois pas décoder. Pour dépeindre l'essence d'une personne, le moyen le plus simple pour moi est la nudité". Cette attitude énergique n'a fait que renforcer le profil de Guerrero dans le secteur de la mode : au printemps dernier, elle a photographié Chloe x Halle sur Zoom pour Balmain, et elle a également été sollicitée pour des campagnes pour Helmut Lang, Dior et Zara.Vivant et travaillant (parfois) dans sa Barcelone natale, l'ascension de Guerrero a coïncidé avec celle de ses amis proches originaires de la ville. "Nous investissions toutes notre énergie dans les arts et maintenant nous leur consacrons nos vies", dit-elle de sa communauté, du "fashion project", dont Paloma Wool (Paloma Lanna et Tana Latorre) et des photographes Camila Falquez et Olga de la Iglesia. "Ce sont mes sœurs, elles se soutiennent les unes les autres et partagent nos expériences de femmes artistes ayant grandi en Espagne - ce qui ne fut pas un parcours sans heurts - donc pour moi [la scène artistique espagnole] est synonyme de sororité." Aux côtés de Paloma Wool, avec qui elle collabore depuis longtemps, Guerrero a contribué à définir une esthétique qui parle de la nature décontractée de la capitale catalane, un environnement auquel Latorre faisait référence dans une conversation avec Vogue plus tôt cette année.
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Model Mafia, New York 2018
Si ce sentiment de sororité n'est pas un prérequis pour l'artiste (en 2017, elle a photographié Stormzy pour la couverture de The Fader), les personnes avec lesquelles elle se sent le plus d'affinités sont celles qui s'identifient comme des femmes : Naomi Shimada, Sita Abellán et Arca ont toutes été immortalisées par Guerrero dans des projets qui soulignent cette intimité. "C'était une décision inconsciente qui est devenue profondément délibérée. C'est quelque chose d'authentique et d'instinctif. Être une femme est ma condition et mon point de départ. Je commence à explorer à partir de ce que je connais, de ce qui m'est le plus familier - à savoir moi", affirme-t-elle, faisant allusion aux autoportraits de son œuvre. "Je ressens une admiration infinie pour la figure féminine ; sa puissance et sa présence me fascinent viscéralement. Pour moi, photographier, c'est honorer, célébrer et remercier tout ce que j'apprends d'elles. Et il y a l'idée d'un escalier infini de femmes portées par d'autres femmes depuis des temps immémoriaux, qui transmettent et font passer connaissances et intuition."
Women of My Life, Barcelone, 2020
Alors que le livre - qui comprend des textes annexes d'ami·es et de collaborateur·rices tel·les que Rosalía et Rupi Kaur - marque la clôture d'un vaste chapitre personnel et professionnel, Guerrero se tourne aujourd'hui vers l'avenir. Déjà immergée dans le bassin du spectacle vivant - l'"orgie" qu'elle a organisée pour Desigual à Art Basel Miami en 2019 est l'une des réalisations dont elle est la plus fière, dit-elle - elle espère approfondir la discipline lorsque l'univers le permettra prochainement. "Je suis extrêmement attirée par le monde de la performance. C'est là que je trouve la plupart de mes références", avance-t-elle. "Cela a joué un rôle très important dans le cheminement de ma carrière - aujourd'hui, j'accorde de plus en plus d'importance à ce qui se passe dans la vie réelle plutôt qu'à la réalisation de la séquence elle-même ". Les liens que les femmes établissent entre elles."
Performance pour Desigual Art Basel 2019
Cette transition vers le cinétique semble tout à fait naturelle pour l'artiste, dont les images fixes ont déjà une qualité physique (renforcée par l'ampleur du travail sur sa page Vimeo, où vous trouverez la vidéo "Almeda" de Solange, dont elle a assuré la direction artistique). En résumant la manière dont elle est arrivée à TUDDDC, Guerrero décrit un processus qui continuera inévitablement à enrichir son travail. "Je photographie des compositions, des sujets et des scénarios similaires encore et encore, sans presque y penser, ils ne cessent de venir à moi", dit-elle. "Ce phénomène me fait penser à une orchidée en fleur qui ne sait pas qu'elle le fait. Je crée des compositions quand je suis épanouie, je suis ces compositions - et bien souvent, j'ai l'impression que ce n'est pas moi qui les choisis, mais l'inverse. Ce livre est un essai sur mes schémas répétitifs ; je l'ai conçu en retraçant une carte de mon parcours."

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