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Pourquoi j’ai toujours été fascinée par les grandes soeurs de mes copines

Cet essai a d'abord été publié en langue originale (anglais) sur le Riposte Issue #12
Je me souviens encore de la crainte que j'avais de téléphoner chez Mathilde, et que ce soit sa grande soeur qui réponde. Si appeler chez Mathilde voulait dire déranger sa soeur Charlotte, elle me le faisait sentir en soupirant juste avant de crier « Mathiiiilde ! C'est une copine à toi ! » dans le combiné. J'attendais ensuite patiemment que Mathilde prenne la ligne, pour pouvoir discuter pendant des heures des potins de la journée.
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Pour le pré-ado de 12 ans que j'étais, les grandes soeurs de mes copines étaient de vraies stars. Elles étaient intouchables, des êtres supérieures qui s'étaient déjà faites pelotées plusieurs fois par les mecs les plus beaux du lycée. Elles avaient les meilleurs goûts en musique, avaient les meilleurs pas de danse et des relations longues, avec la possibilité de laisser leurs copains dormir à la maison. Elles avaient aussi des chambres à coucher plus grandes que les nôtres, des fringues en cuir, du maquillage à gogo et des cigarettes planquées dans des boites.
Pour moi et mes amies, les grandes soeurs étaient notre raccourci vers l'adolescence. Elles avaient déjà tout fait avant nous, et si on avait un peu de chance, elles acceptaient même de nous partager quelques miettes de leur vie, comme leur première pelle, premier joint ou comment chourrer des élastiques chez Claire's sans se faire prendre.
Je crois aussi que ce qui m'attirait le plus chez elles, c'est qu'elles n'en avaient rien à foutre de nous. On pourrait même dire qu'elles étaient hostiles à notre égard. Pour moi, c'étaient des femmes dangereuses, qu'il suffisait de regarder trop intensément pour qu'elles traversent le trottoir et viennent nous faire la peau. Quand elles étaient dans les parages, on avait pas le droit d'exister, ni même de les regarder. Mais l'attrait était trop grand, et j'étais prête à prendre le risque si ça voulait dire essayer de percer leur secret. Je me souviens de toutes ses fois où je les regardais se mouvoir, presque comme au ralenti, autour des maisons de nos parents ou dans les magasin du centre-ville, pendant que je vivais ma vie insignifiante de pré-puberte.
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Elles étaient notre seule espoir, la preuve vivante que nos vies prendraient bientôt un tournant décisif, celui où le maquillage et les sorties seraient autorisées et où on pourrait enfin acheter nos fringues chez Zara. Elles avaient leur spot attitrés, des coins reclus du village où elles pouvaient fumer des clopes ou des joints en paix, loin des parents mais aussi des petites soeurs et de leurs amies pathétiques. Pour elles, on était la piqûre de rappel d'une époque dont elles s'étaient éloignées définitivement. L'époque où elles étaient aussi des looseuses. Et elles étaient prêtes à tout pour ne jamais faire de rechute. Et tandis qu'elles allaient dans des bars et des soirées en cachette, on essayait de recréer leur style dans nos chambres d'enfants, à se peinturlurer de maquillage et apprendre les chorégraphie de leurs groupes de musique préférés.
Je pense aussi que le fait que je n'avais pas de soeurs moi-même en rajoutait une couche. Tout ce que je savais d'elles, je l'apprenais par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre, ce qui les déifiait encore plus. J'avais un grand frère pour m'apprendre comment tricher aux jeux vidéos, mais il ne pouvait rien pour moi quand il s'agissait d'apprendre à faire des préli à un garçon.
Quand j'ai enfin grandi, le fossé entre elles et moi s'est réduit, et elles sont tombées d'une marche de leur piédestal. Il arrivait même qu'on se croise en soirée. Et même si elles avaient toujours l'air beaucoup plus bourrées que nous, elles continuaient d'avoir cet attrait particulier pour moi, cette aura autour d'elles.
En grandissant, j'ai continué d'admirer d'autres femmes pour leur style ou leur beauté. J'ai eu des phases prolongées où je fais une fixette sur des personnalités comme Chloë Sevigny, Solange, Carolyn Bessette-Kennedy et Monica Bellucci, toutes plus âgées que moi. Mais personne n'a jamais eu le même attrait pour moi que les grandes soeurs de mes copines, elles qui à jamais auront goûté à l'âge adulte avant moi.
Riposte Issue #12 est disponible à la vente ici.

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