Fundamental : Les dangers que courent les femmes noires au Brésil

La dernière scène du deuxième épisode de la série documentaire Fundamental est consacrée à la militante brésilienne des droits humains Lucia Xavier. On la voit évoluer solennellement à travers un champ de pierres tombales et de couronnes mortuaires. Elle fait remarquer que certaines de ces tombes appartiennent aux “activistes et aux femmes qui se sont battues pour leurs droits, aux mères qui sont mortes pour nous”. Au Brésil, être féministe — particulièrement une féministe noire  — peut vous coûter la vie. 

Perdre la vie au nom de la liberté : une menace que la militante Daniele Duarte connait bien. Dans ce court-métrage de 16 minutes, Duarte explique qu'en tant que femme noire et lesbienne, elle est constamment en conflit avec les institutions archaïques de son pays. L'avortement est illégal au Brésil, un pays profondément religieux, où la plupart des citoyens sont soit catholiques, soit chrétiens évangéliques. Seules les femmes riches ont accès aux cliniques qui pratiquent des avortements sûrs dans la clandestinité, explique Duarte dans le documentaire. Les soins de santé reproductive sont pratiquement inexistants si vous avez le malheur d'être pauvre, et si vous êtes pauvre et noire, vous êtes encore plus vulnérable. “Aujourd'hui, nous savons que les femmes noires sont les plus touchées par ce manque de droits”, explique Duarte. 

Le Brésil est toujours aux prises avec son héritage esclavagiste et le traitement de sa population noire. Bien qu'il soit l'un des pays avec le plus de diversité au monde et que la majorité de la population s'identifient comme noire ou métisse, les Brésiliens noirs gagnent 44 % de moins que les blancs, qui occupent une majorité écrasante de postes de pouvoir au travail. L'écart en matière de soins de santé pour les femmes noires est stupéfiant. Les avortements illégaux pratiqués dans des conditions dangereuses sont la troisième cause de décès chez les femmes enceintes noires au Brésil. Dans l'ensemble, une femme sur cinq de moins de 40 ans a interrompu une grossesse, la moitié de ces avortements entraînant une hospitalisation pour cause de complications. L'avortement étant criminalisé et passible d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison, les femmes sont incarcérées à un rythme alarmant. 

La lutte pour démanteler ces lois pernicieuses peut coûter la vie. Marielle Franco était une conseillère municipale noire et homosexuelle de 38 ans, ainsi qu'une militante antiraciste et pro-choix. Elle a été abattue à Rio de Janeiro en 2018. Sa mort a déclenché une vague de protestations et les appels à l’action de militants tels que Duarte et Xavier pour que le Brésil prenne des mesures contre la façon dont la société traite les femmes noires. “Les femmes noires sont faiblement représentées dans la société”, affirme Xavier dans ce film. “Elles ont peu d'influence sur les politiques qui peuvent leur être bénéfiques”. Malgré cette oppression, Duarte affirme que les femmes noires au Brésil sont résistantes. “Les femmes noires résistent depuis des années et nous allons continuer la lutte et continuer à résister à ces attaques”, indique Duarte.

Après la mort de Franco, les femmes brésiliennes sont descendues dans la rue pour réclamer leurs droits, mais aussi pour se mobiliser contre une figure politique raciste et misogyne qui se profilait dans leur pays. Lorsque le documentaire a été tourné, le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro se présentait à la présidence du Brésil et ses ressemblances avec Donald Trump sont frappantes. Alors qu'il faisait campagne pour la présidence, Bolsonaro a tenu des propos tels que : “Je ne te violerais jamais parce que tu n'en es pas digne”. Et une vidéo dans le documentaire le montre en train de dire à une femme : “Je vais te donner une bonne raclée.” Duarte a qualifié la campagne de Bolsonaro de  “machiste, homophobe et raciste”. Il a été élu en octobre 2018. “Quand une personne comme ça devient gagne en popularité, elle permet à d'autres personnes d'entraver le droit de ceux et celles qui sont différents”, estime Duarte. La présidence de Bolsonaro a laissé les militants sous le choc. “Voir la fermeture de services essentiels et les changements dans la législation destinée à la population — en particulier aux femmes et aux Noirs — nous a fait sombrer dans le désespoir. Mais cela a parallèlement créé une occasion de joindre nos efforts dans différents domaines", explique Xavier Refinery29.

Xavier et Duarte ne sont que deux des nombreuses femmes noires qui s'opposent au racisme patriarcal systémique qui sévit au Brésil. Leurs histoires sont racontées dans Fundamental, une série de courts métrages YouTube Originals en collaboration avec le Fonds mondial pour les femmes, qui s'adresse directement aux femmes des principaux mouvements mondiaux contre les menaces gouvernementales de conservatisme et de répression. Comme le dit un manifestant passionné dans le film : “La vie des Noirs et des femmes compte ici comme partout ailleurs dans le monde.”  

Pour en savoir plus sur l'une des organisations qui luttent contre les inégalités entre les sexes et soutiennent les femmes militantes au Brésil et dans le monde, rendez-vous sur le site du Fonds mondial pour les femmes.