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De l’importance du maquillage pour les mannequins fétichistes

Un jour, au temps où Tumblr était la plateforme de réseau social de prédilection et que My Chemical Romance transformait la crise d'adolescence en une culture à part entière, je me suis maquillée l'oeil comme un raton laveur, j'ai enfilé un T-shirt Dead Inside et je me suis rendu à mon tout premier concert. A Rocket To The Moon assurait la première partie de Mayday Parade et, tout à coup, j'ai eu l'impression d'être entourée des mien·nes : les emos et les ados de la scene, les bébés goths et les marginales·aux ; les enfants qui n'allaient vraiment pas bien et qui ne cherchaient pas à prétendre le contraire. 
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C'est là que j'ai rencontré une jeune femme qui m'a dit qu'elle était mannequin fétichiste emo. Je ne savais pas grand-chose du sujet à l'époque (comme Bettie Page ? je me suis demandée). Mais après cette rencontre, j'ai fait une plongée profonde sur Tumblr et MySpace en utilisant mon vieil ordinateur portable et j'ai découvert ce qui m'a semblé être un tout nouveau monde. J'ai découvert des femmes et des filles vêtues de latex et de queues de renard. J'ai vu des dominatrices prendre le contrôle - de leur corps, de leur sexualité, de leur pouvoir. J'ai fini par découvrir le mannequinat fétichiste pour les personnes grosses - une communauté qui a totalement transformé la façon dont je percevais ma propre silhouette.
Comme la femme qui chantait "Miserable At Best" à côté de moi lors de ce merveilleux concert garage, il existait aussi des modèles fétichistes sur Internet. Pour moi, leur trait d'eye-liner et leurs gouttes de larmes déssinés au maquillage suggéraient que leur tristesse n'avait rien de honteux. Peut-être que c'était (et avait toujours été) une force ; si c'était vrai, peut-être que toutes les choses que je croyais être mes faiblesses étaient tout à fait le contraire. Les mannequins fétichistes des communautés kink ne manquent jamais de créer des looks qui me font réfléchir : de la fabrication culturelle de la féminité et de la dynamique du pouvoir à la question de savoir comment perfectionner un illuminateur de teint à paillettes. Que l'on parle de furries ou de fatties, de doms ou de subs, il ne fait aucun doute que le maquillage est souvent un élément essentiel des looks créés. Au cours des nombreuses années qui se sont écoulées depuis que j'ai rencontré la femme qui intégrait son style emo au style boudoir, j'ai continué à être attirée par cette iconographie. C'est ce qui m'a poussée à discuter avec les mannequins fétichistes suivants de leur relation au maquillage et de l'usage qu'elles en font, que ce soit pour le plaisir, le jeu ou pour leur travail.
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Courtney Mina, 35 ans

Courtney Mina est mannequin depuis 16 ans au sein des communautés Big Beautiful Woman (BBW), Super Size Big Beautiful Woman (SSBBW) et Fat Fetish. Elle est le premier mannequin BBW que j'ai découvert par hasard. Je me souviens avoir pensé que cette fille était incontestablement belle, mais pas seulement en termes d'esthétique. Ce qui était le plus frappant, c'est qu'elle semblait se réapproprier toutes ces choses que les femmes et les hommes gros·ses sont censé·es ne pas pouvoir être : sexy, fort·es, sensuel·les et sauvages. 
"Souvent, quand je fais des shootings, je travaille avec mon maquillage de tous les jours (ou sans maquillage du tout), car j'aime continuer à proposer différentes versions de moi-même", explique Mina à Refinery29. "Mais la plupart du temps, quand je m'apprête à 'jouer ce rôle', j'ai tendance à entrer dans le personnage, et un maquillage plus dramatique contribue à cela [...] Chaque fois que je tourne, j'ai presque toujours beaucoup de volume dans mes cheveux, car c'est ce qui m'aide à me sentir le plus sexy, mais mes cheveux de tous les jours sont généralement coiffés en chignon décoiffé, coiffés en une tresse lâche ou naturellement lâchés sans aucun volume supplémentaire".
"Jouer avec différents looks me permet de créer différents personnages et d'exprimer différentes parties et aspects de ma personnalité dans ma vie quotidienne", ajoute-t-elle. "C'est un exutoire créatif pour moi, et les différentes esthétiques de maquillage servent de support à la création de personnages ou à l'expression personnelle". Si elle apprécie le processus de mise en scène des personnages, Mina ne cherche pas à ressembler à quelqu'un d'autre dans son travail. "Je ne laisse jamais transparaître une esthétique qui ne me ressemble pas d'une manière ou d'une autre", explique-t-elle. 
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Si elle est consciente de l'argument qui avance que se faire belle est une réponse directe aux attentes patriarcales en matière de beauté, Mina pense que, plutôt que de fuir complètement les cosmétiques, il est tout aussi "important d'embrasser, de faire évoluer et de récupérer ces pratiques qui étaient autrefois attendues des femmes et qui sont aujourd'hui de puissants outils d'expression".
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SatsuTrash, 31 ans

Le mannequin SatsuTrash, basé·e à Londres, exerce depuis quatre ans le métier de mannequin fétichiste. Iel se spécialise dans le latex et les jeux pet-play. La créature vixen aux cheveux verts semble mêler avec aisance le glamour des pin-up et le grunge des années 90, expliquant à Refinery29 qu'elle "passe toujours de l'envie de ressembler à une starlette hollywoodienne glamour des années 20 à celle d'une meuf alternative badass".
Pour Satsu, il y a définitivement une différence marquée entre ses looks en dehors des heures de travail et ce qu'iel pourrait présenter pour un shooting. "Au quotidien, je ne cherche pas nécessairement à me présenter sous un jour féminin. J'opterai plutôt pour un look simple et décontracté qui peut aller du féminin au masculin en passant par le neutre", explique-t-iel. "Mon look quotidien est beaucoup plus susceptible de changer que mon look fétichiste pour un shooting photo. Je me maquille pour me ressembler davantage, alors que lors d'un shooting, je me maquille pour devenir quelque chose ou quelqu'un d'autre, ou une partie différente de moi-même dont je n'ai pas toujours l'occasion de faire l'expérience". 
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En se préparant pour une séance photo, Satsu sait qu'il ne s'agit pas seulement de maquillage ou de beauté. Chaque look représente une histoire, un élément de son identité qu'iel n'a pas toujours l'occasion de révéler. "Lorsque j'applique mon smoky-eye, et surtout mon rouge à lèvres, quelque chose dans ce look sombre et sensuel me rappelle que j'ai en moi une sensualité naturelle et féminine qui n'a pas besoin d'être réprimée pour le bien de la société". "D'autres fois, cela m'aide à me sentir puissante, dominante et tant des choses que l'on interdit aux personnes AFAB [assignée femme à la naissance] d'être".
"Si je n'étais pas mannequin fétichiste, si je n'avais pas les outils me permettant de façonner ces choses en moi qui existent en dehors de l'approbation de la société, je ne pense pas que je serais aussi en phase avec moi-même", ajoute-iel. "Satsu représente tout ce que j'avais peur d'être au quotidien. Elle est audacieuse et sûre d'elle, sensuelle et expressive".
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BkBlue, 33 ans

BkBlue pratique à la fois le BDSM et le shibari. Elle aime expérimenter les différents types de beauté, du naturel au plus sophistiqué, mais pense qu'il faut "mettre en valeur ce dont on dispose [...] plutôt que d'essayer de se transformer totalement".
Il y a une nette différence entre la façon dont BkBlue se sert du maquillage dans sa vie normale et dans sa vie professionnelle. "Mon maquillage et mes cheveux sont très naturels au quotidien", dit-elle à Refinery29. "Si je sors, c'est seulement avec un peu d'anticernes, de l'eye-liner, du mascara et une touche de rouge à lèvres. En revanche, lors d'un tournage, je me transforme en quelqu'un d'autre, voire en un personnage. Je porte souvent un maquillage complet et mes cheveux peuvent être lâchés naturellement ou sous une perruque, en fonction du thème de la séance".
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Après 15 ans de mannequinat et l'exploration de certaines scènes fétichistes au cours de ces années, BkBlue estime que le dominant du BDSM a tendance à utiliser un maquillage plus foncé, tandis que le soumis "est plus subtilement sexy et léger".
Aussi amusant que cela puisse être de se glisser dans la peau d'un personnage, BkBlue espère que davantage de femmes et de filles pourront dépasser la rhétorique des normes de beauté pour s'accepter telles qu'elles sont. "Par exemple, je trouve les taches de rousseur tellement belles, mais certaines personnes choisissent de les couvrir, tandis que d'autres paient pour en obtenir", partage-t-elle. "Ce que je veux dire, c'est que les gens oublient que la beauté naturelle qui nous est donnée à la naissance est une caractéristique unique que nous devrions chérir, même si ce sont des traits dont on se moque régulièrement ou qui nous ont fait perdre confiance en nous".
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