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Ce que c'est de faire son coming-out à 30 ou 40 ans

Photographed by Brian Vu.
Toutes les personnes LGBTQ+ n'ont pas la même histoire de vie ni la même approche du coming-out. Certain·es ressentent le besoin de « sortir du placard » le plus vite possible, d’autres préfèrent attendre d’être «vraiment prêt·e » avant de se confier à leurs proches. L'environnement dans lequel les personnes évoluent est aussi différent. Parfois très hostile et violent, parfoit (trop) aimant et étouffant. Dans les deux cas, certaines personnes peuvent ne pas se sentir à l'aise de révéler cette partie de leur identité. On comprend la peur de s'exposer au danger dans les environnements hostiles. Mais les environnements trop aimant peuvent aussi faire peur : la peur de décevoir, de ne pas rentrer dans la case à laquelle on a été assigné. Si bien que ça prend parfois des décennies. Et si le mariage pour tous est autorisé depuis 2013, ça ne veut pas dire que ça rend les choses plus faciles quand il faut l’annoncer à ses parents, ses amis ou ses collègues. Sans parler du fait que toutes les cultures ne perçoivent pas l’homosexualité de la même manière.
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L’âge et l’époque aussi jouent pour beaucoup dans la décision d'annoncer son homosexualité. Selon les chiffres de la charte des droits LGBTQ+ de Stonewall, l’âge auquel on fait son coming-out aujourd’hui a drastiquement changé au cours des dernières décennies. En quatre ans, on est passé d’une moyenne située entre 18 et 30 ans à une tranche d’âge située entre 17 et 21 ans. Selon Ruth Hunt, à la tête de l’association jusqu'en 2019, « c’est une tendance encourageante et qui envoie un message clair : n’attendez plus avant de faire votre coming-out ». Le revers de la médaille, c’est qu’il peut être encore plus intimidant de se lancer - pour ceux qui ont déjà pas mal attendu. Faire son coming-out passé la fin de sa vingtaine devient de plus en plus difficile, sans parler de quand on a 30,40 ou 50 ans.
À cet âge là, bon nombres de femme ont déjà connu plusieurs longues relations hétérosexuelles, fait des enfants avec un homme, ou dépassé l’âge où on se sent à l’aise de se rendre dans des clubs, qu'ils soient labellisés « gay » ou pas. À l'évidence, l'annonce est d'autant plus difficile à faire quand on a passé une bonne partie de sa vie à enfouir la vérité ; une vérité qui fait parfois très peur.
Voici donc 4 témoignages poignants de femmes qui n'ont assumé leur homosexualité que tardivement. Que ce soit vers la fin de leur vingtaine, trentaine ou quarantaine, toutes racontent les épreuves et dilemmes qui les ont traversés, et combien être honnête avec soi-même est parfois plus difficile qu'on ne le croit.
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Ella, 29 ans, Londres
Avant de rencontrer Sarah, je n’avais couché qu’avec une seule fille, quand j’avais 23 ans. C’était à un festival, un coup d’un soir qui s’était produit de la même manière que se produise tous les coups d’un soir pour moi : je vois quelqu’un, me rends compte qu’on a un bon feeling, et on décide de passer du bon temps ensemble. On s’est rendues dans ma tente pendant quelques heures, puis je suis repartie faire la fête. C’est tout. J’étais saoule quand s’est arrivé, donc quand je me suis réveillée le lendemain, j’ai cru que j’en avais rêvé. Il a fallu que mes amis me confirment que ça s’était bien produit, et apparemment, c’était le meilleur orgasme de ma vie ! Elle a voulu qu’on se revoit, mais je lui ai fait vite comprendre que j'en avais pas l’intention. Quelque temps après, j’ai rencontré James, avec qui je suis restée cinq ans. Durant toutes ces années, j’ai fait la connaissance de pas mal de nanas attirantes, mais personne avec qui j’aurais eu envie de coucher. J’étais investie dans notre relation, et même si le mariage n’était pas forcément dans nos plans, on a quand même fini par acheter un appart ensemble.
J’étais encore avec James quand j’ai embrassé Sarah pour la première fois. Sarah et moi nous connaissions depuis des années. Elle faisait partie de ces personnes que j'appréciais, sans penser à plus. On s’est embrassé à une soirée déguisée, un peu pompettes, et c’est là que j’ai eu le déclic. J’ai compris tout de suite que je ressentais quelque chose pour elle. On a commencé à se voir assez fréquemment. Je pense qu’on se disait « oh il ne peut rien se passer, je suis en couple, Sarah est ouvertement gay depuis des années, on apprécie juste de passer du temps ensemble. » Mon copain de l’époque aussi n’aurait pas pu se douter de ça. À y réfléchir, je pense qu’on a tous les trois été assez naïfs.
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Tous les amis de James se sont mariés, et franchement, je n’en pouvais plus d’assister à tous ses mariages. C'était tellement hétéro-normatif et boring quelque part. Je n’ai plus du tout ce sentiment avec Sarah.

Ella
Tomber amoureuse de Sarah, c’était ce genre de situation où vos pensées ne suivent pas vos actions. Je n’ai jamais consciemment pris de décision, j’ai juste laissé les choses se passer progressivement. J’ai essayé d’arrêter de la voir, mais c’était impossible. À chaque fois que j’essayais, je finissais par craquer. C’était plus fort que moi. C’est là que je me suis dite qu’il fallait que je m’écoute. Je me suis donc séparée de mon copain, même si je le vois souvent - car comme je le disais on a un appart ensemble. Et c’est encore quelqu’un qui compte pour moi. Je n’avais jamais été dans une situation similaire auparavant, à quitter quelqu’un pour se mettre avec quelqu’un d’autre.
Tout cette histoire m’a beaucoup fait réfléchir au désir et à quel point il se vit différemment selon les personnes, et à quel point il peut s'embraser quand il est réciproque. Je ne me suis jamais dit « oh tiens j'aimerais bien être avec cette personne ». Ce qui m'a toujours attiré, c'est l'alchimie, c'est quand quelque chose passe entre deux personnes. Depuis que je suis avec Sarah, je me sens vraiment bien. Tous les amis de James se sont mariés, et franchement, je n’en pouvais plus d’assister à tous ses mariages. C'était tellement hétéro-normatif et boring quelque part. Je n’ai plus du tout ce sentiment avec Sarah.
Mon conseil pour ceux qui se trouvent dans la même situation que moi, c’est de se faire confiance. Ça veut dire écouter son corps, écouter ses tripes, même quand les choses ne semblent pas encore tomber sous le sens. Allez-y petit à petit, et si vous remarquez que vous vous sentez bien, c’est probablement que vous ne faites rien de mal. Et faites attention à ne pas tomber dans la culpabilité, pas seulement vis-à-vis de l’homme que vous êtes en train de blesser (bien sûr, je ne suis pas en train de défendre l’idée de tromper quelqu’un), mais aussi vis-à-vis de vous-même, ou de l’idée que tu « ne vas tout de même pas lâcher un homme bien avec qui tu aurais pu passer ta vie ». J’ai souvent le sentiment que mes tantes pensent que j’ai fait tout ça pour le sexe. Et pourquoi pas plutôt trouver une femme bien ?
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Caley, 39 ans, Londres

J’ai été fiancée à homme entre 25 et 31 ans, jusqu’au jour où il m’a quitté. Ce n’est qu’un an et demi plus tard que j’ai fait mon coming out. Avant ça, j’ai fait un plan à trois avec un homme et une nana, mais rien de plus. J’avais repensé à coucher avec une femme, mais avec le milieu d’où je viens - classe moyenne, école privée, avec une partie de ma famille musulmane - c’était très tabou d’être gay. En plus de ça, il y a 20 ans on ne parlait pas du tout de nous dans les médias, et je n’avais jamais vraiment rencontré de femmes lesbiennes. Ça ne semblait pas être une option pour moi. Peut-être qu’inconsciemment je me demandais s’il n’y avait pas mieux sexuellement qu’avec mon fiancée, mais je n’avais pas vraiment de point de comparaison.
Après ma rupture, j’ai essayé de sortir avec quelques hommes, mais je savais au fond de moi que j’avais envie d’explorer autre chose. Un soir, tard et bourrée, j’ai embrassé une femme. Je me souviens m’être dit « hm, c’était pas mal ». Peu de temps après ça, j’ai couché avec une femme que j’ai rencontré au boulot, mais je n’ai jamais voulu que ça se sache publiquement. Même dans ma tête, c’était très « on » et « off », oui et non...D’ailleurs, je sortais avec un homme au moment où j’ai eu cette aventure.
J’ai fini par me rendre compte que j’appréciais plus de sortir avec des femmes qu’avec des hommes. J’ai donc commencé à sortir avec une amie. On s’est cachée pendant un moment, je crois qu’on était toutes les deux pas encore prêtes à faire notre coming out. Puis j’ai voulu qu’on le dise à nos amis, et c’est à partir de ce moment-là que tout est devenu plus simple. On a passé 4 ans à se séparer et se remettre ensemble.
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Photographed by Brian Vu.
C’est pendant ma relation avec cette femme que j’ai décidé de le dire à ma famille. Je n’étais pas encore très à l’aise avec ca, mais je voulais que mes proches le sachent. J’ai un ami gay qui m’avait un peu mis la pression. Selon lui, il fallait que je m’empresse de le faire pour pouvoir avancer. Ma mère a beaucoup pleuré. Mon père m’a dit « c’est bien pour toi ma puce ». Je pense que la peur a grossi avec le temps. Jusqu’à présent, je pense que mes parents se disent que si je suis lesbienne, c’est parce qu’un homme m’a brisé le coeur !
Ca va faire manger 7 ans que je sors avec des femmes et je me sens beaucoup plus relax, comme si j’étais enfin moi-même. Je pense aussi que c’est dû au fait que la société a changé, mais aussi que je vis maintenant dans une ville et que j’ai des amis gay. J’avais très peur que mon homosexualité affecte ma vie ou ma carrière, mais pas du tout. Et maintenant que je suis plus en phase avec moi-même, je vois que mes relations sont plus saines. Le sexe est meilleure, évidemment, mais je m’arrêterais là (rires).
Sara, 54, Northamptonshire
J’avais la quarantaine quand j’ai fait mon coming out. Je n'étais pas heureuse dans mon mariage, mais je ne voulais pas me séparer avant de savoir que j’aurais quelqu’un à la sortie. Mon mari et moi étions ensemble depuis 14 ans, de la fin de la vingtaine au début de mes quarante ans. On a trois enfants ensemble. Ils avaient tous moins de 14 ans quand on s’est séparé. Je ne pense pas que ça a été facile pour mes enfants d’accepter mon homosexualité, mais c’était tout aussi dur d’accepter les cris et les disputes avant notre séparation. Je pense que c’était mieux pour eux qu’on se sépare, même si ça voulait dire aussi d’avoir à leur annoncer mon homosexualité, plutôt que je reste et sois malheureuse toute ma vie. Maintenant ils n’ont aucun problème avec ça.
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Quand j’étais petite, ça m’arrivait souvent de tomber amoureuse de mes profs - je pense comme beaucoup d’autres femmes. La différence, c’est que j’ai continué à avoir ses coups de coeur plus tard. Avant de me marier par exemple, j’avais déjà de l’attirance pour les femmes, mais je n’ai jamais rien amorcé. Je ne connaissais aucune personne gay, et les femmes qui me plaisaient étaient toujours hétérosexuelles, ce qui me dissuadait de tenter quoi que ce soit.
J’ai eu des problèmes d’alcoolisme à peu près tout le long de ma vie adulte, et je pense que si ça n’avait pas été le cas, j’aurais eu plus confiance en moi. J’aurais peut-être osé aller vers les femmes, et j’aurais sûrement rencontré quelqu’un comme moi plus tôt. Ou peut-être aussi que si ma mère n’avait pas autant insisté pour que je me marie et fasse des enfants, j’aurais pris le temps de m’écouter. Qui sait ? On peut passer des années à s’interroger comme ça.

Le sexe me faisait peur au début, parce que j’avais l’impression qu’il fallait que je réapprenne tout. Nos rapports étaient doux, et j’y prenais plaisir.

sARA
Quand vous avez quarante ans, vous pouvez commencer à vous retourner sur votre vie. C’est aussi le moment où vous vous demandez si vous savez vraiment où vous allez, et essayez de corriger le tir si vous vous rendez compte que vous n’êtes pas heureux·se. Il y en a qui appelle ça la crise de la quarantaine, moi j’appelle ça la sagesse de la quarantaine. J’ai commencé à répondre aux annonces dans les journaux. Les choix étaient limités, et plus on tchatait, plus je me rendais compte qu’on avait rien en commun.
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Notre premier rendez-vous était comme n’importe quel rendez-vous, en plus stressant. Je me sentais comme une ado parce que je n’avais aucune expérience avec des femmes. On s’était donné rendez-vous dans un pub - un lieu neutre. On s’est bien entendu, mais je pense que j’ai aussi forcé les choses, parce que je voulais que ca marche entre nous. Le sexe me faisait peur au début, parce que j’avais l’impression qu’il fallait que je réapprenne tout. Nos relations étaient douces, et j’y prenais plaisir. Mais je pense que si on s’était rencontré dans d’autres circonstances, ça n’aurait pas marché. J’avais besoin de cette relation pour avancer. Notre histoire a duré entre 12 et 18 mois, avec des pauses. Quand j’ai complètement arrêté l’alcool, j’ai décidé qu’il valait mieux que je sois seule pour un temps.
Après quelques mois de célibat, j’ai fini par rencontrer quelqu’un qui me correspondait plus. C’est la femme avec qui je suis depuis. Ça fait huit ans. On s’est rencontré en ligne, et elle est venue me rendre visite là où j’habite, au Royaume-Uni. Quelques temps après son arrivée, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. C’est là qu’elle a décidé de rester pour s’occuper de moi. Je suppose que c’est le genre de choses qui font ou défont une histoire, mais en l’occurrence, c’est ce qui a cimenté notre relation. On s’est paxé quand j’ai pu arrêter les traitements, en 2010. Puis on s’est marié. Ce mariage est tellement différent de mon précédant. Je n’ai jamais été aussi heureuse.
Je pense que ca aurait été plus simple pour moi de faire mon coming out plus tôt. On m’aurait perçu plus longtemps comme une femme lesbienne, et ca m’aurait aidé à me construire. C’est difficile à n’importe quel âge je pense. Peu importe l’âge auquel vous l’annoncez, c’est difficile. Et même si le mariage homosexuel est aujourd’hui possible dans pas mal d’États, ca ne change rien au fait que beaucoup de personnes ont toujours un problème avec ca. Après que j’ai fait mon coming out, beaucoup de gens ont arrêté de me parler. Certaines de mes relations pro aussi. Vous leur faites savoir que votre partenaire pro est aussi votre partenaire dans la vraie vie, et ils ne vous rappellent plus. Il y a toujours des préjudices à notre encore, et si ca avait reculé à un moment, ils sont de retour.
Mon conseil à toutes celles qui sont mariées à un homme et pense être gay, c’est d’être très prudente. Ça arrive que des femmes aient envie d’une autre femme juste parce qu’elles ont envie d’autre chose. Et je pense que beaucoup de femmes confondent excitation et envies au long terme. Ca a été explosif au début, quand j’ai pris conscience de mes envies profondes. Un vrai chaos. Donc je pense que c’est important de s’assurer qu’on a vraiment envie de ça, que c’est une voie que vous avez envie d’explorer, mais prenez votre temps. C’est mon conseil en tous cas.

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