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De Stonewall à la Gay Pride : la naissance de la Marche des Fiertés

Photo: Rick Maiman/Sygma/Getty Images.
Cette année marque le 50e anniversaire de la Gay Pride, survenue un an après les émeutes de Christopher Street, souvent considérées comme la pierre angulaire du mouvement moderne des droits LGBTQ+. 
Ce premier défilé de la Gay Pride a eu lieu le 28 juin 1970. Connu à l'époque sous le nom de Christopher Street Liberation Day March - du nom de la rue où se situait le Stonewall Inn - le défilé partait de Washington Place entre Sheridan Square et la Sixième Avenue et remontait la Sixième Avenue, pour se terminer dans Central Park.
L'idée que des personnes LGBTQ+ puissent défiler dans les rues de New York, et revendiquer fièrement leur existence, leur fierté et leur amour était vraiment révolutionnaire pour l'époque. "Il a fallu un nouveau sens de l'audace et du courage pour faire ce pas de géant dans les rues de Manhattan", comme le rappelle Fred Sargeant, l'un des organisateurs de la première marche, dans un essai publié en 2010 pour le Village Voice.
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À l'époque, le plus grand rassemblement pour les droits des personnes LGBTQ+ était une veillée silencieuse annuelle appelée "The Annual Reminder" qui se tenait à Philadelphie. Cet événement était une affaire sombre et étroitement orchestrée. C'était généralement "un petit groupe de gays et de lesbiennes très polis [qui faisaient le piquet] devant le Liberty Hall", décrit Sargeant. "L'événement se déroulait en silence. Les hommes devaient porter des vestes et des cravates ; pour les femmes, le port de la robe était imposé. L’objectif était d’avoir l’air non-menaçants". L'événement était organisé par un groupe de défense des droits des hommes homosexuels, la Mattachine Society, l'un des premiers groupes de défense des droits des LGBTQ+ aux États-Unis (créé en 1950). Craig Rodwell (qui est devenu le partenaire de Fred Sargeant) est le membre de la Mattachine Society qui a eu l'idée de créer l'"Annual Reminder". Leur premier événement a eu lieu en 1965 et avait pour but de "rappeler au peuple américain qu'un nombre important d'individus se voyaient refuser les droits à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur", selon l'organisation de défense des droits des LGBTQ+ de Philadelphie, Philly Pride.
Après les émeutes de Stonewall, Rodwell et Sargeant ont réfléchi à la manière de déplacer cet événement à New York, mais ils se sont vite rendu compte qu'il allait falloir beaucoup le changer. Rodwell avait assisté au Reminder annuel de 1969 à Philadelphie, quelques jours seulement après Stonewall. Il a été scandalisé lorsqu'un des organisateurs a demandé à deux femmes qui se tenaient la main de se séparer. "Cet acte physique confirmait pour Craig que nous avions besoin de d'un événement de bien plus grand et de bien plus audacieux que la Société Mattachine", se souvient Sargeant dans le Village Voice. Ce quelque chose a germé jusqu'à devenir la Gay Pride.
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Photo: Spencer Grant/Getty Images.
Selon la chaîne History Channel, cinq mois après Stonewall, Sargeant, Rodwell et les activistes Ellen Brody et Linda Rhodes ont assisté à la Conférence Eastern Regional Conference of Homophile Organisations (ERCHO) à Philadelphie et ont proposé une résolution : qu'une marche annuelle soit organisée le dernier dimanche de juin à New York pour commémorer Stonewall. Los Angeles, San Francisco et Chicago ont prévu des marches simultanées.
Contrairement à l'"Annual Reminder", ces nouvelles marches n'imposeraient pas de code vestimentaire formel et sexiste. Au lieu de ça, les organisateurs ont encouragé les participant·es à venir tel·les qu'ils et elles sont. Comme le note Katherine McFarland Bruce dans le livre Pride Parades : How a Parade Changed the World, publié en 2016, la plupart des participant·es ont défilé dans leurs vêtements de tous les jours, mais certains portaient des "costumes flamboyants" tels que des capes, et d'autres étaient en drag. Beaucoup portaient des banderoles colorées ou des pancartes indiquant "Gay Pride!" Bruce note : "Venant de milieux activistes, les organisateurs et les marcheurs ont continué à faire ce qu'ils savaient faire le mieux : s'afficher comme gays et fiers de l'être à travers leurs pancartes, leurs chants et leurs gestes affectueux". 
La planification du défilé n'a pas été évidente. Sargeant se souvient qu'il a fallu "près d'un an d’actions de sensibilisation comme ça se faisait dans les années 60" et "des mois de planification et de polémiques internes". Plus d'une douzaine de groupes de défense des droits des LGBTQ+ ont participé à la planification de l'événement, notamment le groupe féministe lesbien "The Lavender Menace", formé en réponse à l'exclusion des lesbiennes par le féminisme dit mainstream ; le Front de libération gay, formé après les événements de Stonewall ; l'organisation de défense des droits civiques des lesbiennes "Daughters of Bilitis" ; l'organisation de défense des droits transgenres "Queens Liberation Front" ; et divers groupes d'étudiants. Brenda Howard, militante et fondatrice du New York Area Bisexual Network, parfois surnommée la "Mère des fiertés", a organisé une série d'événements d'une semaine autour de la Journée des Fiertés, dont une danse. Comme le note Queerty, "la voix de Howard est restée l'une des plus fortes, des plus exubérantes et des plus productives de l'époque. Ce sont ses efforts qui ont aidé les militant·es homosexuel·les à poser les bases des célébrations de la Gay Pride, jusqu'au défilé de la Marche des Fiertés.
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Sargeant et Rodwell géraient la librairie Oscar Wilde, la première librairie gay du pays, et ils utilisaient leur fichier d'adresses pour collecter des fonds et faire passer le mot. Il faut se rappeler qu'en 1970, on n’avait pas encore l'option d’envoyer un message de groupe ou une invitation sur Facebook ; il fallait envoyer des lettres. De nombreuses réunions de planification ont également eu lieu à la librairie ; comme l'écrit le site de la NYU "Researching Greenwich Village History", celle-ci "a fait office de centre communautaire pour la communauté gay du West Village".
Après la planification du défilé, il restait à régler certains détails. Suite à un désaccord sur la personne qui allait être placé à la tête du défilé, les organisateurs ont décidé qu'un membre de chaque groupe aurait un représentant en tête de cortège. Après de longs débats, le slogan : "Say it clear, say it loud. Gay is good, gay is proud" a été adopté. C'est l'activiste L. Craig Schoonmaker qui avait suggéré le terme "Gay Pride" (fierté gay) plutôt que "Gay power" (pouvoir gay). Dans une interview accordée en 2015 au podcast l'Allusionniste, il a expliqué : "Il y a très peu de chances que les individus dans le monde aient du pouvoir. Les gens n'avaient pas de pouvoir à l'époque ; encore aujourd'hui, nous n'en avons que très peu. Mais tout le monde peut être fier de ce qu'il est, et ça permettrait de rendre les personnes plus heureuses, et produire le mouvement susceptible de produire un changement".
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Le jour du défilé, environ cinq mille personnes se sont jointes à la marche, soit cinq fois plus que ce que les organisateurs avaient prévu. Ce fut une réussite. "Ce n'est qu'après la marche que ces pionniers homosexuels ont réalisé ce qui était possible", se souvient Sargeant. "Bien sûr, à l'époque, nous n'aurions jamais pu prédire que nos efforts allaient conduire à des rassemblements larges de centaines de millions de personnes aux quatre coins du monde".
Tous les ans par la suite, de plus en plus de villes ont rejoint le mouvement. Au fil du temps, note the Advocate, le défilé est devenu plus festif, intégrant chars et musique. En 1974, Los Angeles a été la première ville à ajouter une composante festivalière. Le drapeau des fiertés, conçu par Gilbert Baker, a été arboré pour la première fois à San Francisco en 1978.  
En France, c’est à partir de 1971 qu’un mouvement LGBTQ+ visible s'est mis en place, avec la création du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire). En mai, les homosexuel·les se sont invités au défilé des syndicats ; ce sera le premier pas en direction du défilé de la Gay Pride. Le 25 juin 1977 était organisée à Paris la première manifestation homosexuelle indépendante, qui allait de la place de la République à la place des Fêtes, en réaction à l’appel d’Anita Bryant, de « tuer un homosexuel pour l’amour du Christ ». De nouveau, le 4 avril 1981, 10 000 personnes manifestent à l’appel du CUARH, et le candidat à l’élection présidentielle François Mitterrand s’engage alors à dépénaliser l’homosexualité. Une fois élu, le Président François Mitterrand honorera cet engagement l’année suivante. Depuis, la Marche des Fiertés a lieu au mois de juin chaque année.
Cette année, en raison de la pandémie de Covid-19, la Marche des Fiertés a été repoussée à l’automne dans de nombreuses villes de France, et devrait avoir lieu le 7 novembre à Paris. Bien que la forme et l'ampleur de l'événement aient changé, son objectif reste le même : célébrer la communauté LGBTQ+. Comme l'a rappelé un écrivain anonyme, "Les rues étaient à nous. Nous nous sommes sentis libérés et libres".
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