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Le problème avec l'idée d'un « style à la française »

Photo : Everett Collection/REX USA.

« Je comprends pas cette obsession avec le style français »

« On en peut plus de cette romantisation permanente de la France et des Français »

« Non mais combien de fois est-ce qu'on va encore nous bassiner avec le style français ? »

Il n'y a qu'à voir les commentaires des Américains sur notre site US : tout le monde en a marre de ce fameux « French style », même ceux qui ont contribué à la construction du mythe. Comment expliquer ce retour de la vapeur, et pourquoi est-ce que nous aussi, chez Refinery29, on aimerait encourager à déconstruire ce mythe légèrement toxique ?

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« Le style français n'a pas que à voir avec les vêtements, c'est tout une attitude » nous dit le photographe de street style Frédéric Vielcanet. « Avoir un look individuel n'est qu'un seul aspect de cette attitude nonchalante des Françaises vis-à-vis des choses et de la vie en général. Je dirais que les Françaises osent plus et qu'elles assument leur liberté. Et je me dis que c'est peut-être aussi ça qui fascine, pas seulement les fringues. » Très bien merci Frédéric, on voit ce que tu veux dire, mais soyons honnête deux minutes. À qui profite le mythe ?

D'abord, un petit peu d'histoire : d'après l'historienne de mode E.P Cutler et auteure du livre PANTONE on Fashion: A Century of Color, l'obsession pour le style français remonterait à la Seconde Guerre mondiale, au moment où les Américains étaient stationnés en France suite au débarquement. « Paris était occupée [on est en 1940], et c'est à ce moment-là que les Américains ont eu l'occasion d'observer les Français et les Françaises, de réellement comprendre leur sens de la mode en fait, et de voir à quel point elle était différente». Le problème, c'est que pour « affirmer l'hégémonie américaine, on a voulu renverser la mode française ». Quelques années plus tard en revanche, Carmel Snow, rédactrice en chef du Harper's Bazaar dans les années 1950 – va grandement contribuer à faire connaître la mode française aux Etats-Unis. « Quand Dior lance son New Look en 1947, ça l'a rendue dingue. Elle était fascinée. Et c'était essentiel qu'une personnalité de renom rétablisse un designer français sur le devant de la scène. " Paris est de retour ". C'est comme ça que l'idée a été vendue et achetée par les Américain·e·s, » nous dit E.P Cutler.

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60 ans plus tard, on se demande si Carmel Snow pouvait prévoir que les Américain·e·s continueraient de mordre à l'hameçon. Maintenant, un petit peu d'économie : vous saviez, vous, que le tourisme et le luxe comptent parmi les industries les plus lucratives en France ? On pense que c'est aussi ce qui expliquerait ce besoin constant d'alimenter le mythe sur la France et les Français·es. Gaëlle Drevet, une Française qui vit aux States, dira même à Refinery29 qu'elle trouve aussi que cette admiration a fini par prendre des proportions ridicules . « Je me souviens quand ce livre est sorti French Women Don't Get Fat (les Françaises ne grossissent pas) et j'étais là "sérieusement, il faut arrêter. C'est faux." »

Photo: Kirstin Sinclair/Getty Images.

On se souvient aussi du succès du livre de Caroline de Maigret How To Be Parisian Wherever You Are. Elle dit pourtant que l'idée était moins de vendre un concept à tous prix que d'encourager les femmes à trouver leur identité profonde « L'idée, c'est de trouver la personne que vous êtes au fond et ne pas finir par devenir le produit de ce que la société attend de vous. » Autrement dit, Caroline de Maigret apprend aux femmes à devenir elles-mêmes en s'inspirant du mythe de la Gauloise, vous savez, cette femme seins nus à Saint-Tropez, en ballerines à Paris, toujours une clope au bec et les cheveux défaits.

« Il ne s'agit pas de perdre votre identité pour devenir Française, mais plutôt de donner des astuces aux femmes sur la maternité, l'amour, le travail, les sorties etc. et d'inspirer celles qui sont intéressées par notre mode de vie. » On nous parle par exemple de ce dilemme quotidien (et perdu d'avance) entre aller à la gym ou prendre l'apéro ; ou encore du choix de porter du plat (pour éviter de se fouler la cheville sur les pavés du centre-ville). Certes, c'est un peu libérateur. Mais peut-on parler d'un mode de vie, dans un pays (et dans une ville) où les inégalités font rage ? Sans faire de politique, peut-on vraiment croire à l'idée que les Françaises seraient plus indulgentes avec elles-même (que les Américaines par exemple), quand un récent sondage montre que seulement 22% des Françaises se trouveraient belles ?

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Combien de femmes se déguisent-elle aujourd'hui en héroïne d'un film de Godard, juste pour faire semblant qu'elles ont confiance en elles, booster leur succès sur les réseaux sociaux (ou les deux), ou pour avoir l'air « plus Françaises »?

Photo: Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images.

Car en plus de fasciner tous ceux qui ne vivent pas en France (les Allemands, les Japonais, les Anglais, les Brésiliens etc.), le style français fascine aujourd'hui les Français...eux-mêmes. Une sorte de jeu de miroirs, avec une image vendue à l'internationale qui finit par nous revenir en pleine tronche. Le T-shirt à rayures, le rouge à lèvre rouge, la veste de blazer oversized ou encore le pantalon taille haute : tous ces codes ont fini par se cristalliser pour devenir un uniforme, une sorte d'image d'Epinal qui n'a plus rien à voir avec ce « style unique et nonchalant » dont on parlait plus haut.

C'est vrai après tout, ne sommes-nous pas devenus des clichés ambulants – surtout depuis l'arrivée d'Instagram ? Peut-on accepter que le style français se limitent plus ou moins à une poignée d'influenceuses blanches, parisiennes et aisées ? Non. Car ce n'est pas ça, la France. Et à moins que ce soit votre gagne-baguettepain, vous n'êtes pas tenue de coïncider avec quoique ce soit. Si ce n'est avec vous-même. Et pour de vrai cette fois.

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