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TikTok célèbre les petites lèvres qui dépassent avec humour et bienveillance

Photographie par Eylul Aslan.
Qu'on l'appelle "moule", "tarte au poils" ou "con", la vulve occupe depuis toujours une place de choix dans l'argot sexuel.  
Les plaisanteries sur les organes génitaux remontent à l'Antiquité. Les railleries sur le pénis étaient très répandues dans la Grèce antique et on les retrouve également sur les mosaïques romaines. Les parties intimes des femmes n'étaient pas en reste. Selon la mythologie, l'ancienne déesse de la vulve Baubo était hilarante. L'un de ses pouvoirs était de faire rire les gens avec ses blagues grivoises. 
Tout ça, c'est bien marrant jusqu'à ce que les blagues deviennent mesquines, ce qui, avouons-le, est bien souvent le cas. Les lèvres vaginales, en particulier, sont souvent critiquées. De nombreuses femmes s'inquiètent de leur apparence : trop grande, trop petite, trop foncée, trop claire... les injonctions sont sans fin. La polémique grandissante autour de la vidéo postée par l'influenceuse Maeva Ghennam depuis le cabinet de son gynécologue, où elle explique s'être fait "rajeunir le vagin" en est le dernier exemple. Avoir un "beau vagin" signifierait donc ne pas avoir les lèvres qui dépassent.
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Les vulves - ou comme nous les appelons communément à tort, les vagins - sont de toutes formes et de toutes tailles ce qui fait que beaucoup de leurs propriétaires éprouvent de la honte ou de la gêne quant à leur apparence. Dans une enquête menée en 2019 par Refinery29 UK, 48 % des personnes interrogées ont déclaré "avoir des préoccupations concernant l'apparence de leur vulve, la partie externe de leurs organes génitaux (le clitoris, les petites et les grandes lèvres)".
Malheureusement, cette enquête n'est pas la seule à faire état d'une attitude négative à l'égard de nos organes génitaux externes. La nymphoplastie (ou labiaplastie) - chirurgie plastique visant à réduire la taille des petites lèvres ne cesse de gagner en popularité. L'idéal esthétique produit par cette chirurgie est celui d'une "pêche", ou innie, où les petites lèvres (lèvres internes) sont cachées par les grandes (lèvres externes). Le contraire - une vulve "rideau"ou "outie" - est considéré comme imparfait ou indésirable en comparaison.
Ces statistiques dressent un sombre tableau. La dépréciation de nos organes génitaux a été normalisée, peut-être à cause du porno, où l'on a tendance à voir plus de lèvres "pêches". Sur les sites populaires comme Pornhub, on trouve des centaines de vidéos étiquetées "innie pussy", "perfect innie pussy" et "innie vagina". 
Mais il y a de l'espoir. C'est là que TikTok entre dans la danse.
Jess, 25 ans, s'est sentie complexée par l'apparence de ses petites lèvres "à chaque instant de sa vie", mais grâce à TikTok, elle a trouvé une forme de solidarité en ligne avec d'autres personnes qui ont aussi les petites lèvres qui dépassent. "J'aime parler avec d'autres personnes qui ont une vulve similaire à la mienne, je ne peux tout simplement pas m'identifier aux filles qui ont une petite vulve", me dit-elle." Une utilisatrice particulièrement drôle sur TikTok, @sativaplath69, a fait une vidéo sur son "gros minou" (fat pussy en anglais) et sur le fait qu'elle avait peur que les filles aux "petits minous" (skinny pussy) commencent à s'approprier cette culture. Ça m'a parlé à un niveau spirituel", ajoute-t-elle.
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@sativaplath69

this is a joke but also serious stop appropriating phat coochie culture #fyp #comedy

♬ original sound - Ying
Se servir de l'humour comme outil de déflexion, et même pour venir à bout de complexes est une stratégie d'adaptation très répandue. Je me surprends souvent à plaisanter sur mes "poils de barbe" pour assumer mon hirsutisme, un effet secondaire de mon syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Et il y a de nombreux TikTok qui critiquent les marques de vêtements pour grandes tailles pour leurs options limitées - parce que mieux vaut rire que pleurer. En abordant ces problèmes avec humour, il est plus facile de faire face à la discrimination quotidienne la manière dont nos corps font l'objet, et d'ouvrir des conversations sur cette discrimination. 
Il existe même une tendance sur TikTok qui consiste à énumérer ses attributs parfaitement "normaux" avant d'ajouter un fait choquant sur soi-même pour surprendre les spectateur·ices, le tout accompagné d'une chanson tirée d'un épisode des Mélodilous (The Backyardigans), ce que je trouve personnellement poilant. "Fille normale, 1,65 m, yeux bleus, cheveux bruns", peut-on lire dans l'une des vidéos TikTok de Gaby Scaringe. Sa grande révélation ? "J'ai un outie", ou des petites lèvres qui dépassent des grandes. 
Ce TikTok n'est pas un cas isolé pour Gaby Scaringe, qui s'est fait une place sur l'application avec une série de vidéos dans lesquelles elle se moque de la taille de ses lèvres. Il s'agit pour elle d'une décision délibérée.
Gaby me confie par e-mail : "Entendre quelqu'un parler d'un sujet sensible comme les organes génitaux avec humour et sans jugement (presque comme on le ferait avec une meilleure pote ou une grande sœur) peut vraiment aider à se défaire de nos complexes." 
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"Parler des lèvres vaginales en ligne est important car on n'en parle tout simplement pas ouvertement ailleurs. Une recherche sur Google peut ouvrir la boîte de Pandore à toutes sortes d'informations inexactes et un cours de biologie standard ne va pas couvrir les insécurités corporelles d'une manière qui puisse être comprise par les jeunes propriétaires de vulves", poursuit-elle.
La conversation en ligne sur les "outies" a inspiré Gaby non seulement à créer un contenu pertinent au sujet de son expérience, mais aussi à produire une ligne de sous-vêtements qui convient aux personnes comme elle, appelée Cherri
"[Les femmes qui ont des outies] entrent dans un magasin de lingerie et voient un string avec une largeur de 2cm de tissu à peine, l'essaient et se sentent découragées quand il ne leur va pas", déplore-t-elle. "On se dit : il doit y avoir quelque chose qui cloche chez moi parce que ce sous-vêtement peut à peine contenir la moitié de mes lèvres". 
"Mais le problème ne vient pas de vous. Il y a, je pense, l'idée que les organes génitaux masculins doivent ressortir et que les organes génitaux féminins doivent être rentrés."
Alors, que faut-il changer pour que les sous-vêtements soient plus inclusifs ? Gaby me dit que Cherri s'attaque à la situation sur trois fronts : des sous vêtements plus large et plus long pour couvrir tous les types de lèvres ; un coton biologique doux, moins irritant pour les lèvres qui dépassent ; et des teintures biologiques, pour éviter toute irritation supplémentaire. 
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Le travail de Gaby est important pour deux raisons : il s'agit de parler plus ouvertement des lèvres qui dépassent et de proposer des produits facilitant la vie des personnes qui ont des lèvres plus larges.
Kat, une jeune femme de 24 ans, qui a un outie, me dit qu'elle trouve du réconfort sur les réseaux autres que TikTok. "Sur Instagram, il y a quelques comptes géniaux qui montrent une variété de vulves et de lèvres d'apparence différente, comme @the.vulva.gallery, @vagina_museum, @vivalavulvacasting." 
"Le fait de voir défiler différentes images comme celles-ci sur mon fil d'actualité m'aide à me sentir normale et à accepter l'apparence de mes petites lèvres, et je complexe beaucoup moins aujourd'hui", s'enthousiasme-t-elle. 
Gaby est tout à fait d'accord, ajoutant sa liste de créatrices TikTok qui parlent des vulves et méritent d'être célébrées : "@whoisthisannabyrne est une artiste qui crée de mignons bijoux en forme de vulve, @mrtennisballs est l'une de mes préférées et parle fréquemment de ses poils pubiens, @jessgreenashh est la reine pour parler des pertes, et @periodnirvana est une excellente ressource pour toutes les questions sur les règles." 
Ces quatre comptes, combinés à des comptes comme ceux présentés par Gaby, offrent un véritable complément à l’éducation sexuelle sur nos parties intimes, dont on ne parle tout simplement pas assez en détail ailleurs, que ce soit en ligne ou non. 
Il existe tellement de variations dans l'apparence de nos vulves. Toutes sont normales. Aucun type de vulve ne devrait jamais être jugé comme indérisable. Heureusement, ces comptes sont là pour venir à la rescousse des petites lèvres qui dépassent et rappeler aux femmes et aux personnes ayant un vagin qu'elles sont tout simplement très bien comme elles sont.
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