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“Entre épuisement & insomnie” : la réalité du burn-out pandémique

Collage par Kaitlyn Flannagan, Photo par Natalia Mantini.
Les jours de la semaine sont un peu comme un très mauvais calendrier de l'avent. Chaque jour, nous faisons l'expérience d'un nouveau type de fatigue : nous sommes épuisé·es, mais incapables de dormir, à peine capables de garder la tête hors de l'eau, léthargiques, mais actif·ves. Je ne sais jamais ce que ça sera. Doit-on vraiment s'attendre à ce que je fasse autant de projets - que je réserve des restaurants et des bars à l'avance - alors que je suis encore, bien souvent, à me demander ce que l'avenir me réserve ? Ma meilleure amie a eu un bébé en janvier, je ne l'ai vu qu'une fois. Il est devenu une petite personne. Il est déjà trop grand pour les vêtements que je dois encore lui offrir. Le monde s'accélère ; nous avions trop de temps et maintenant on en manque. La planification et les obligations semblent créer une fatigue bien particulière. Une fatigue qui m'amène à me demander : est-ce que je suis en train de craquer ou ai-je le Covid long ? "Vous regardez toujours Grey's Anatomy ?" me demande Netflix. Oui et non. 
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Je vis constamment dans cet entre-deux. Trop fatiguée pour sortir, pas assez pour pouvoir dormir. Rien n'est comme avant - dans la vaste période temporelle qui précède le coronavirus. Je savais alors que je vivais dans une grande ville, à un moment précis de l'histoire et que je travaillais dans un secteur qui exigeait beaucoup de moi. J'ai délibérément pris part au cercle vicieux du capitalisme moderne qui m'a épuisée et m'a vendue des produits coûteux me faisant la promesse de m'aider à me sentir mieux.
Maintenant, je n'en suis plus si sûre. Je n'ai aucun souvenir d'avoir signé de contrat stipulant que j'aurais également à gérer des mesures de confinement en constante évolution, des pertes humaines dévastatrices, une incessante inquiétude pour ceux que j'aime, des frictions sociales, des incertitudes économiques, des débats sur Twitter dans lesquels des personnes qui ne sont pas issues de milieux défavorisés et qui n'ont jamais eu à manger de repas scolaire gratuit prétendent comprendre les problèmes de classe sociale, tout ça en essayant de penser à un monde meilleur - et d'avoir une réservation pour une table en terrasse avant juillet. 
Nous savons que la pandémie a eu un impact dévastateur sur le bien-être et la santé mentale de nombreuses personnes. Nous avons tous·tes subi cette situation. Au début de l'année, des psychologues ont signalé qu'un nombre croissant de personnes se sentaient épuisées et incapables de faire face à des périodes de stress prolongé. Ils ont appelé ça le "burnout pandémique". 

Nous savons qu'un état d'épuisement chronique peut résulter du fait d'être dans un état de stress perpétuel. Je vois cela comme le fait de participer à un ultra-marathon sans fin, par opposition à un sprint de 100 mètres.

Dr heather Sequeira
Si la façon dont nous avons vécu l'année écoulée varie énormément en fonction de qui nous sommes, de ce que nous faisons, de l'argent dont nous disposons et de la (mal)chance que nous avons, notre corps a absorbé le chagrin, la colère, l'incertitude et le stress d'une manière similaire. Le Dr Linda Blair est une psychologue clinicienne agréée. Elle explique que nous avons tous·tes été affaibli·es, épuisé·es. "Le cerveau possède un système de détection des dangers appelé amygdale", me dit-elle au téléphone. "Pendant une grande partie des 14 derniers mois, il aura été en état d'alerte, ce que l'on appelle communément la réponse combat-fuite. Mais il s'agit d'une réaction temporaire à une menace immédiate, pas d'une réaction censée durer aussi longtemps. Beaucoup de mes clients sont épuisés, de la même manière que vous. Ils sont coincés dans un entre-deux à cause de la peur permanente de l'incertitude et du sentiment de ne pas vraiment savoir où aller ou quoi faire ensuite."
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Depuis plus d'un an maintenant, nous sommes forcés d'accepter un carrousel rapide de réalités changeantes et conflictuelles. Si elles nous ont paru dangereuses, c'est parce qu'elles l'étaient. Ce qui, au départ, était censé être temporaire - un état d'urgence - est maintenant normal. Le masque ne sert à rien. Portez des masques. Les masques pourraient ne rien changer, en fait. Lavez-vous les mains. Chantez joyeux anniversaire pendant que vous le faites. Le virus est probablement aéroporté, finalement. Noël aura lieu. Noël est annulé. Ne voyez personne. Les choses s'améliorent. Faites de votre mieux pour voir tout le monde. 
Selon Linda, cette situation aura eu un impact sur nous sur le plan psychologique et physiologique. "Chaque fois qu'un mammifère sent un danger, son corps se prépare à y faire face", explique-t-elle. "Une partie de la réponse combat-fuite consiste à produire du cortisol et de l'adrénaline qui nous préparent à combattre la chose qui nous menace ou à la fuir. Si cela se produit en permanence, surtout si les menaces deviennent théoriques, comme "vous pourriez mourir si vous attrapez ce virus", votre cortisol est trop souvent élevé, ce qui risque d'avoir des conséquences."
Le résultat ultime de cette roue de hamster de l'anxiété, ajoute Linda, est un épuisement physique et l'incapacité à produire en quantité suffisante les hormones dont vous avez besoin. Ce phénomène est également connu sous le nom d'hypocortisolisme. Des études suggèrent qu'il pourrait être associé au stress psychosocial à long terme et au burn-out chez certaines personnes. 
Linda n'est pas la seule psychologue à s'inquiéter. Le Dr Heather Sequeira est psychologue consultante. Elle affirme que, malgré le recours fréquent au terme "burnout", nous devons nous souvenir que ce syndrome est reconnu. Il est bien réel. 
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Bien que le burn-out ne soit pas une affection médicale officielle, il est défini comme un syndrome par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon l'OMS, il résulte d'un stress chronique (sur le lieu de travail) qui n'a pas été géré avec succès. Ses symptômes sont principalement un sentiment de diminution de l'énergie ou d'épuisement. 
"Nous savons qu'un état d'épuisement chronique peut résulter du fait d'être dans un état de stress perpétuel", explique Heather. "Je vois cela comme le fait de participer à un ultra-marathon sans fin, par opposition à un sprint de 100 mètres. En tant qu'êtres humains, nous sommes biologiquement conçus pour gérer des "sprints", c'est-à-dire des stress intenses de courte durée suivis d'une période de récupération. C'est pourquoi nous nous en sortons généralement bien en cas de période de stress intense, comme les examens ou les deadlines au travail. Ces situations sont généralement limitées dans le temps et nous pouvons ensuite décompresser, récupérer et nous détacher. Or, les exigences que nous impose la pandémie, en particulier dans l'environnement professionnel, sont très différentes et, surtout, elles sont durables."

Et si cela peut sembler paradoxal d'être épuisé·e par la seule chose que vous attendiez avec impatience - la réouverture du monde (ou presque)- dites-vous bien que même les choses que l'on ne considère pas comme stressantes le sont en réalité. 

Si, comme moi, vous vous sentez coincé·e quelque part entre l'épuisement et l'état fonctionnel, il y a certaines solutions à envisager. "Prenez quatre jours de vacances", conseille Linda. "En effet, nous savons que c'est le temps nécessaire pour se ressourcer". Et d'ajouter : "Pensez aux conseils que vous donneriez à votre meilleur ami et appliquez-les à vous-même !"
Et si cela peut sembler paradoxal d'être épuisé·e par la seule chose que vous attendiez avec impatience - la réouverture du monde (ou presque)- dites-vous bien que même les choses que l'on ne considère pas comme stressantes le sont en réalité. 
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"Il est très important de noter que nous sommes encore confrontés à de nombreux éléments de la pandémie qui ne sont pas forcément considérés comme "stressants" au sens traditionnel du terme", explique Heather. "Cela s'étend aux réunions Zoom, au télétravail et à naviguer entre l'impossibilité de voir du monde et la nécessité de se sociabiliser à nouveau et, parfois même, l'ennui."
Nous faisons tous·tes des efforts. Nous essayons de nous adapter, de réintégrer le monde, de comprendre à quoi ressemble ce monde. Et essayer, à longueur de journée, de toutes les manières possibles, épuise vos ressources. Cela vous fait mal partout. Ce qui était autrefois relaxant - un petit verre dans un bar avec votre meilleur·e ami·e après une mauvaise journée est maintenant un processus de scrolling de différents sites Web jusqu'à ce que vous trouviez un endroit avec une table à laquelle vous pouvez avoir un créneau de 90 minutes - peut maintenant être une épreuve à part entière. Alors, ménagez-vous. 
"Alors que nous abordons un retour à une vie non-confinée, mais dans des conditions qui sont encore très différentes de celles d'avant, nous devons nous adapter à de nouvelles contraintes : une insécurité accrue, une socialisation accrue (qui apporte autant de stress que de plaisir), de nouvelles conditions de travail, un manque de clarté et de certitude dans de nombreux domaines de la vie", conclut Heather. "Tout cela constitue une source de stress supplémentaire pour des personnes déjà épuisées par les 12 mois passés. Certaines personnes se retrouveront dans un cercle vicieux de baisse de la résilience et de réaction non optimale face aux pressions. Une chose en entraîne une autre."

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