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Faire mon coming out en tant que trans ne m’a pas libéré de la honte de me masturber

Illustration par Sarah Cliff
Nous sommes en 2021 et, des célébrités qui sortent des sex toys aux influenceur·euse·s Instagram qui travaillent avec de grandes marques pour promouvoir le bien-être sexuel, tout le monde semble être en mission pour parler du plaisir féminin. En tant que slut autoproclamé, j'ai l'impression que je devrais célébrer ça, mais à la place, je me retrouve à me sentir légèrement mal chaque fois que quelqu'un parle de la façon dont ces jouets aspirant le clito fonctionnent pour "toutes les femmes".
La masturbation peut renforcer un certain pouvoir chez les femmes, mais elle peut aussi être un sujet incroyablement inconfortable pour ces dernières ; il est difficile de se débarrasser des années et des années où l'on a appris à avoir honte de la sexualité. Mais les femmes cis ne sont pas les seules à qui on apprend qu'elles ne doivent pas se toucher. Je ne suis pas une femme mais j'ai peur de regarder mes propres organes génitaux ; pire, j'ai eu des rapports sexuels douloureux parce que je ne savais pas comment expliquer à mon partenaire que non, ce n'était pas agréable. Je suis trans, mais étant donné que j'ai été socialisé comme une femme cis pendant mon enfance, je souffre encore de toute ma honte sexuelle intériorisée.
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Peu de temps après avoir fait mon coming out en tant que trans, j'ai taillé une pipe à un gars qui me plaisait beaucoup et il a joui dans ma bouche. Nous parlions d'avoir des relations sexuelles au fur et à mesure que notre amitié se développait au cours des derniers mois. Après avoir pris un café pour parler face à face pour la première fois, nous nous sommes rendus dans ma chambre d'hôtel à Londres pour avoir une relation sexuelle torride et perverse. Le sexe était très hot et très, très, très pervers, mais je n'ai pas joui.
Je comprends pourquoi il ne m'a pas donné d'orgasme : il savait que je souffrais de dysphorie autour de mes organes génitaux, et il savait que je préférais garder mon caleçon pendant les rapports sexuels à cause de mon vaginisme. Il savait aussi que j'avais du plaisir même si je ne jouissais pas. Cependant, en repensant à cette expérience, je ne peux m'empêcher de penser au fossé de l'orgasme : les femmes cis hétéro ont moins d'orgasmes que les hommes cis hétéro.
Je ne suis pas hétéro et je ne suis pas une femme, mais cela ne fait aucune différence. Je suis un mec trans genderfluid mais le fait de faire mon coming out en tant que trans ne m'a pas rendu plus confiant pour défendre mon plaisir après avoir passé toute ma vie à me faire dire que ce n'était pas une priorité. La façon dont j'avais été socialisé me perturbait. Il est important de parler de la façon dont les femmes doivent s'approprier leur corps et leur plaisir sexuel, mais elles ne sont pas les seules à avoir besoin d'aide pour le faire. Les personnes transgenres et non binaires qui ont été assignées femme à la naissance sont également porteuses de négativité sexuelle et ressentent de la honte à l'égard de la masturbation.
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August (iel), une personne trans masculine non binaire dans une situation similaire, a appris que la masturbation et les pensées sexuelles n'étaient pas autorisées pendant son enfance. Même s'iel ne croit plus à cela, iel a encore des moments de honte intense autour de la masturbation. Le fait d'accepter son genre a rendu plus compliqués ses sentiments à l'égard de la masturbation et il est difficile pour iel de rester présent·e lors de rapports sexuels avec des partenaires ou en solo : "Les sentiments de honte intériorisés, ainsi qu'un sentiment d'injustice inhérente à mon corps, peuvent parfois être vraiment écrasants".
Le Dr Liz Powell (iel), psychologue diplômé·e spécialisé·e dans les relations sexuelles non monogames, a confirmé que, d'après son expérience, ce n'est pas seulement le fait que les personnes socialisées en tant que filles et femmes se voient dire que leur corps est honteux. "On nous dit tous que les vulves et les vagins sont dégoûtants. Les personnes trans et non binaires peuvent aussi être confrontées à une dysphorie de genre autour de leur corps".
Les femmes transgenres sont rarement évoquées ou représentées dans les campagnes visant à aider les femmes à se sentir bien dans leur corps. Si une personne transféminine n'a pas été socialisée pour ressentir de la honte à l'égard de la masturbation, elle peut ressentir une dysphorie de genre autour de ses organes génitaux. Aborder le sujet des femmes qui se masturbent sous l'angle féministe du "aucun homme ne sait où se trouve le clito, nous devons donc le faire nous-mêmes" exclut complètement les femmes transgenres, ce qui n'est pas du tout féministe.
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Je suis un gars qui sait où se trouve le clito, parce que j'en ai un. J'ai juste trop peur de le toucher directement, coincé dans un cercle vicieux de peur et de douleur. Le vaginisme est la contraction involontaire des muscles autour de l'ouverture du vagin, rendant la pénétration douloureuse ou impossible. Comme mes tentatives de pénétration infructueuses me font très mal, j'associe désormais cette douleur au fait de toucher n'importe quelle partie de ma vulve.
Sachant ce que je sais maintenant, il n'est pas surprenant que le vaginisme primaire provienne généralement d'une honte sexuelle intériorisée. Lorsqu'il s'agit de se débarrasser de la honte qui entoure la masturbation, le Dr Powell recommande aux personnes trans et non binaires dotées d'un vagin de prendre le temps d'apprendre à connaître leur corps. Iel leur conseille d'explorer par elles-mêmes : "Touchez-vous et explorez pour voir où se trouvent les limites de cette honte".
Le Dr Powell explique que les personnes socialisées en tant que femmes et filles apprennent à avoir honte de leur corps et à se sentir déconnectées de celui-ci. Selon ellui, l'idée que nous allons ressentir de la douleur, que ce soit pendant les rapports sexuels ou à d'autres moments, est normale : "On nous apprend qu'il suffit de passer outre, on nous dit que notre corps ne nous appartient pas".
Ce n'est que lorsque j'ai parlé au Dr Powell que j'ai réalisé que cette déconnexion pouvait expliquer pourquoi je n'ai ressenti la dysphorie de genre qu'après avoir fait mon coming out. Je suis loin d'être la seule personne trans ou non-binaire à s'être inquiétée de ne pas être assez "trans" pour s'appeler trans parce qu'elle ne ressent pas de dysphorie liée à son corps. Cependant, une fois que j'ai commencé à me définir comme trans, j'ai commencé à ressentir un malaise autour de mes règles et de mes seins - un signe que j'avais commencé à réclamer la propriété de mon propre corps. 
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August s'est notamment réapproprié·e son corps en commençant à prendre de la testostérone. Sa libido a augmenté et, bien que sa négativité sexuelle intériorisée soit toujours présente, iel s'est senti·e conforté·e par le fait de savoir que cette augmentation de la libido est saine et constitue un aspect normal de la prise de testostérone. Le fait qu'iel soit excité·e plus facilement et plus souvent l'aide en fait à se masturber sans trop réfléchir. 
Le Dr Powell a ajouté qu'une partie de sa propre réappropriation de son corps consiste à ne coucher qu'avec des personnes qui honorent son genre et ne le réduisent pas à une femme qui utilise le pronom "iel" : "Dans mon propre genre, je suis homme, femme et autre, donc si on date et que tu es monosexuel, qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que tu es en train d'effacer les parties de moi qui ne correspondent pas aux termes genrés qui t'attirent ?".
Lorsque la société invalide constamment votre genre, il devient encore plus important de le respecter vous-même. Pour moi, cela signifie garder mon caleçon pendant que je me masturbe. Mais peut-être que pour atteindre l'intérieur du caleçon et toucher directement ma vulve, je pourrais porter un packing mais passer la main en dessous, l'euphorie de la bosse dans mon pantalon me permettant de toucher mon sexe sans anticiper la douleur. Même si c'est difficile, je veux me réapproprier mon propre corps.

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