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Dépasser sa phobie de l’engagement : 3 femmes témoignent

Si vous êtes sur les applis de rencontre, vous connaissez sûrement ce scénario par coeur :
Vous rencontrez un tas de personne mais ne finirez que par revoir une seule personne parmi les dix. Cette relation s'arrêtera brutalement au moment où l'autre refusera l'exclusivité. À partir de ce moment-là, la personne disparaît, ne réponds plus à vos appels et vous n'en entendrez plus parler que par une amie relou « qui l'a encore vu l'autre soir dans un café ».
Demandez à Siri à quoi ressemble quelqu'un qui a peur de l'engagement : elle vous montrera sûrement une photo de Jack Nicholson, puisque c'est encore le rôle qu'il a le plus joué (pensez à Pour le pire et pour le meilleur). Mais la phobie de l'engagement est bien plus complexe que ce qu'on voudrait croire. Et surtout, elle ne concerne pas que les hommes.
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En réalité, la peur de l'engagement, si c'est une réelle phobie, est un symptôme handicapant qui isole. Surtout quand la pop culture n'a de cesse de répéter qu'il n'y a que les hommes qui ont peur de s'engager. Rencontre avec ces femmes qui ghostent.
Rebecca, 32 ans, vidéographe à succès. Elle avoue éviter les rencarts comme la peste, et terminer une relation au plus vite quand elle sent que ça devient sérieux.

En réalité, avoir peur de l'engagement est un symptôme handicapant et qui isole.

« J'en arrive toujours à ce point où j'ai envie de rencontrer des gens et où je me dis qu'avoir un copain serait vraiment cool, » dira-t-elle à Refinery29. « Puis j'ai l'impression que si je travaille trop ça va me déranger, ou que s'ils restent dormir à la maison on ne va pas suffisamment dormir, ou qu'il n'y pas pas assez de place dans mon lit etc. etc. j'ai besoin de mon espace et je sais que ça va me rendre claustrophobe de dormir avec quelqu'un, comme si je pouvais plus respirer. »
« J'ai été célibataire pendant un bon moment, » continue-t-elle. « Il y a un an, j'ai rencontré quelqu'un que j'aimais bien. Le problème c'est qu'il m'aimait trop en retour. Ça m'a faite flipper et donc je suis devenue complètement froide. Je ne supportais pas qu'il veuille avoir accès à ma vie et savoir tout de qui j'étais. Je n'avais pas envie de donner ça à qui que ce soit. »
« On est sortis ensemble plusieurs fois sur un mois, mais quand il a commencé à me parler de ses sentiments, j'ai pris peur. Je me sentais vraiment mal, je n'arrivais pas à gérer. »
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C'est une situation que Antonia, 30 ans et consultant en marketing, ne connaît que trop bien.
« Pour moi, le vrai problème, c'est les débuts. Pas tant que je suis en couple. Mais j'ai tendance à ne jamais dépasser le stade des premiers rendez-vous. »
« J'ai été dans une relation toxique pendant 7 ans. C'était il y a 5 ans. Ça m'a pris un moment pour m'en sortir, et depuis, j'ai cette peur panique d'expérimenter ce genre de schémas une nouvelle fois. »
« Il y a des choses qui me donnent tout de suite la trouille. Quelqu'un qui m'écrit tout le temps et me dit qu'il veut me voir 24/7, c'est juste rédhibitoire pour moi. Je tiens vraiment à protéger mon espace. »
Même chose pour Natalie, 33 ans. Elle aussi à une peur bleue de l'engagement et préfère saboter toutes ses relations pour éviter toute intimité émotionnelle avec qui que ce soit.
« Pour moi, la phobie de l'engagement se manifeste au moment où je commence à vraiment apprécier la personne, » nous dit-elle.
« Je commence à tout hyper-analyser, à chercher des raisons pour ne pas faire confiance, jusqu'à ce que je sois parvenue à me convaincre qu'il risque de me faire du mal. Et j'arrête tout avant qu'il en ai eu l'occasion. » avoue-t-elle. « J'évite aussi de sortir avec une seule personne. C'est plus facile de passer à autre chose quand on voit plusieurs personnes en même temps. »
Cette peur panique, elle se l'explique à deux choses : un ex infidèle et le fait que sa mère les a abandonné, elle, son père et sa soeur quand elle avait 17 ans.
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Si je sens que mes attentes ne correspondent pas à celles de l'autre, je coupe rapidement la communication quand mes attentes et celles de l'autre ne correspondent pas. Et je vais sur-interprêter le moindre détail comme étant la preuve qu'ils vont finir par me faire du mal.

Natalie, 33
« Je pense que ça m'a beaucoup affecté, » dira-t-elle Refinery29. «Si je sens que mes attentes ne correspondent pas à celles de l'autre, je coupe rapidement la communication quand mes attentes et celles de l'autre ne correspondent pas. Et je vais sur-interprêter le moindre détail comme étant la preuve qu'ils vont finir par me faire du mal. »
Pour Noël Dermotte, un psychothérapeute avec 25 ans d'expérience, c'est la description exacte d'une phobie de l'engagement. Quand il s'agit des femmes, on a tendance à associer ça à cette idée de la femme qui s'échappe en courant de son mariage, mais en réalité, c'est beaucoup plus sérieux, vicieux et traumatisant qu'il n'y paraît.
Mais comme toutes les phobies, la peur de l'engagement est une réaction anxieuse extrême qu'un individu ressent suite à une expérience ressentie comme effrayante.
Il cite ensuite l'une des peurs les plus répandues dans le monde : l'arachnophobie. « Pour résumer, on part du principe que l'araignée fait peur et on réagit en conséquence, c'est-à-dire qu'on fuit en courant, » dit-il.
La question bien sûr, ce n'est pas de savoir si l'araignée est dangereuse - beaucoup ne le sont pas. Le problème, c'est qu'elle pourrait potentiellement représenter une menace.
« La source de nos peurs, sentiments et comportements sont renforcés, » nous dit Noel. « La prochaine fois que vous serez confronté à une araignée, vous ne pourrez être que d'autant plus effrayé. Au bout d'un moment, on finit par avoir une réaction extrême. C'est de pire en pire à chaque fois. »
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« La peur de l'anxiété fonctionne exactement de la même manière. Chez les personnes qui ont une peur phobique de l'engagement, on peut s'attendre à ce que ceux-ci aient rencontré des instabilités voire des déchirements dans la relation qu'ils entretenaient avec quelqu'un qui leur était cher. Quelque chose qui leur serait arrivé durant l'enfance ou même à l'âge adulte. »
Un trouble de l'attachement typique, qui va générer une peur panique de l'attachement par la suite : ce qu'on appelle le syndrome de l'attachement anxieux-ambivalent. Celui-ci se manifeste par exemple quand la personne en charge de quelqu'un - par exemple un parent ou un tuteur - génère autant de peurs que de richesses, au sens où on a besoin de cette personne pour survivre.
« On est attachée à cette personne parce qu'on a besoin d'elle pour survivre, mais celle-ci nous fait peur ».

On est programmé pour créer des liens et des relations avec les autres. On a ça en nous.

Noel McDermott, Psychothérapeute
« On est programmé pour créer des liens et des relations avec les autres. On a ça en nous. Mais si la personne en charge de nous nous fait peur ou se trouve être imprévisible, on aura tendance à éviter toute forme d'attachements avec les autres - ou à se sentir terrifiée à l'idée d'être intimement proche de quelqu'un. »
Qui sont donc les plus affectés ? Y'a-t-il une différence de comportement entre hommes et femmes qui présentent cette même phobie ?
Noël dit que c'est compliqué. « La peur de l'engagement est plus courante chez les gens qui ont eu des expériences traumatiques. Hommes et femmes vont avoir des manières différentes de gérer la chose, » nous dit-il.
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« Les femmes sont plus exposées aux aggressions sexuelles et violences conjugales. Pour les hommes, le trauma peut provenir d'une forme de rejet ou d'humiliation, par exemple si la personne ne recevait pas suffisamment d'affection de ses parents. En conséquence, l'homme va se braquer et ravaler ses émotions pour se conformer aux idéaux masculins. »
Pour Noël, ce cliché de l'homme qui n'arrive pas à s'engager vient du fait qu'on s'imagine toujours que les hommes sont moins sensibles que les femmes. En conséquence, on aura tendance à plus malmener les hommes que les femmes sur le plan émotionnel.
« Les traumas interpersonnels touchent autant les hommes que les femmes, mais la réponse à ce trauma sera différente selon qu'il touche un homme ou une femme, parce que la société poussent les hommes et les femmes à réagir différemment face aux traumatismes émotionnels, » nous dit-il. « Donc non, les hommes n'ont pas plus peur de s'engager que les femmes, mais ils vont exprimer cette peur différemment des femmes. »
Pourtant, toutes les femmes auxquelles on a parlé disent avoir l'impression d'être traitée différemment que les hommes qui présentent les mêmes symptômes. »
« En tant que femme trentenaire, on me demande constamment pourquoi je ne suis pas encore casée avec des enfants, » nous dit Antonia. « Que ce soit mes amis, des membres de ma famille lointain, mes ex et même un chauffeur de taxi, tout le monde se permet de me demander pourquoi je suis seule. J'ai l'impression qu'ils ont pitié de moi... Et dans ce cas-là je me demande toujours si mon ex qui a aussi 30 ans subit la même pression. »
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Même sentiment pour Natalie, qui sort toujours avec plusieurs personnes à la fois. « Si je passe d'un homme à un autre, on va me traiter de fille facile. Si un homme fait la même chose par contre, c'est normal, alors qu'il en souffre tout autant que moi, mais personne ne va s'interroger. »
« Pour mes amis en couple, me caser avec quelqu'un est la priorité numéro 1,» nous dit Rebecca.

On a tendance à diaboliser les personnes qui ont peur de l'engagement, en oubliant que c'est tout aussi dur pour eux.

« On s'en fiche de qui je suis ou ce que je fais dans la vie. Plus le temps passe, plus on me demande si je compte "rencontrer quelqu'un" plutôt qu'un homme, parce que les gens commencent à se dire que je suis lesbienne. »
Ce qu'il faut retenir dans tout ça, c'est qu'avoir une peur phobique de l'engagement est tout aussi dur à vivre pour la personne concernée que les personnes qu'elle blesse involontairement. Les êtres humains ont un besoin inné de créer des liens et s'aimer les uns les autres. La peur de l'engagement serait donc un comportement acquis et qui peut donc se désapprendre. »
« La peur phobique échappe à tout contrôle et fait donc aussi du mal à la personne qui le ressent, et non pas seulement à celle qui est rejetée. »
Que faire quand on a du mal à s'autoriser à être vulnérable et à s'ouvrir aux autres ? Comme pour toute phobie, il faut revenir sur le premier traumatisme et essayer de comprendre quand la chose a commencé à devenir réellement effrayante. L'idée c'est d'observer ce que la personne ressent, comme elle réagit et comment est-ce qu'elle peut briser le cercle les prochaines fois. »
À la fin de Just married (ou presque), on apprend que Julia Roberts (Maggie Carpenter) avait une bonne raison de s'enfuir. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait ni qui elle était. Ce n'est qu'en s'imposant d'être célibataire pendant un long moment qu'elle a pu apprendre à se connaître et in fine être capable de s'engager pour pour de bon.
« Il n'y a rien de biologiquement anormal chez quelqu'un qui présente des troubles de l'engagement, c'est très important de souligner ça, » conclue Noël. « Comprendre ça est le premier pas vers la guérison. »
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