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La bicuriosité : c’est quoi au juste ?

Photographed by Rochelle Brock.
Dans les écoles et sur les réseaux sociaux, de plus en plus de jeunes s'affichent comme bicurieux·se. Mais qu’est ce que ça veut dire au juste ? Est-ce différent de la bisexualité? L'utilisation du terme "bicurieux" coïncide avec une augmentation de la visibilité des bisexuels aux États-Unis : la première marche nationale des bisexuels a eu lieu en 1987, la première organisation nationale de bisexuels s'est formée et a tenu sa première conférence en 1990, et le drapeau de la fierté bisexuelle a été conçu en 1998.
Bien qu'ils ne s'accordent pas sur l'année de sa première utilisation, les différents dictionnaires proposent tous une définition similaire du mot "bicurieux" : "intéressé par l'exploration ou l'expérimentation de la bisexualité", comme le dit Merriam-Webster. En d'autres termes, une personne qui se dit "bicurieuse" est intéressée par l'exploration de son attirance pour son propre sexe et le sexe opposé.
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Le problème ? Comme l'explique la fondatrice du Bi Girls Club, Gabrielle Alexa, le terme "bicurieux" implique qu'une personne doit avoir une certaine expérience sexuelle avant de pouvoir exprimer son identité bisexuelle.
"Pour moi, le terme bicurieux reflète une idée selon laquelle l'orientation sexuelle est quelque chose qu'il faut explorer avant qu'elle ne soit réelle, ce avec quoi je ne suis pas d'accord", explique Alexa. "Cette idée n'est pas propre à la bisexualité ; nous l'entendons souvent lorsque les préadolescents et les adolescents s'identifient à autre chose qu'à l'hétérosexualité. On leur suggère souvent qu'ils sont trop jeunes et qu'ils devraient d'abord 'explorer'".
Et d'ajouter : "Je pense que pour de nombreuses personnes, la bicuriosité est une étiquette qui leur permet de faire leur coming-out avant d'avoir réuni suffisamment de preuves (via une expérience sexuelle ou romantique) pour prouver leur bisexualité aux autres. Ce sentiment est le résultat d'une forme de biphobie, car nous n'attendons pas des hétérosexuels qu'ils aient une expérience sexuelle avant de penser qu'ils sont hétérosexuels. D'ailleurs, certains peuvent même décider se préserver pour le mariage tout en restant hétérosexuels".
Le mot "bicurieux" joue sur les notions d'invisibilité et d'effacement de la bisexualité, phénomène dans lequel l'orientation sexuelle des personnes bisexuelles n'est pas crue ou prise au sérieux (par exemple, quand on voit une femme bisexuelle comme hétéro lorsqu'elle sort avec un homme et comme lesbienne lorsqu'elle sort avec une femme). "Ce qui est unique dans la bisexualité, c'est qu'elle est particulièrement incomprise et stigmatisée. Nous devons toujours prouver qui nous sommes auprès des autres", explique Alexa. "Les termes lesbiennes et gays curieux ne sont pas utilisés, pour autant que je sache, bien que leur identité soit invalidée d'autres façons. Le fait qu'il y ait spécifiquement une étape préalable à la bisexualité mais pas vraiment pour les autres identités me parait être biphobe".
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Selon Alexa, les personnes qui souhaitent explorer leur attirance pour plus d'un sexe peuvent utiliser un autre terme : bisexuel. "La bisexualité est décrite comme le potentiel d'attraction vers le même sexe et le sexe opposé. Cette définition engloberait une personne "bicurieuse", car elle parle de potentiel et de curiosité", explique-t-elle. "Quand une personne me dit qu'elle est bicurieuse, ce n'est pas à moi de nier la façon dont elle décide d'exprimer son identité, mais je veux qu'elle sache qu'il existe une identité différente pour ses attirances".
Une personne pourrait aussi juger qu'une autre étiquette, comme "pansexuel" ou "queer", lui convient mieux. Vous ne connaissez pas la différence ? GLAAD définit comme bisexuelle "une personne pouvant éprouver une attirance physique, romantique et/ou émotionnelle durable pour les personnes du même sexe ou pour celles d'un autre sexe", comme pansexuelle "une personne pouvant éprouver une attirance physique, romantique et/ou émotionnelle durable pour toute personne, quelle que soit son identité de genre" et comme queer "les personnes dont l'orientation sexuelle n'est pas exclusivement hétérosexuelle". Certaines personnes peuvent utiliser plusieurs termes pour décrire leur sexualité - par exemple, de nombreuses personnes s'identifient à la fois comme bisexuelles et queer.
Ceci dit, Alexa ajoute qu'elle ne recommande pas de dire aux personnes qui s'identifient comme "bicurieuses" qu'elles ne devraient pas le faire. Les étiquettes sont des constructions sociales et elles visent à nous faire sentir affirmés en nous-mêmes, donc si "bicurieux" a cet effet pour certaines personnes, je les soutiens", dit-elle. Je ne pense pas que nous devrions tenir les personnes bisexuelles interrogées pour responsables du préjudice causé par le terme "bicurieux". Elles pourraient se retrouver dans des espaces queer pour la première fois ou s'engager dans des sujets queer pour la première fois. Il n'est pas raisonnable d'attendre de ces personnes qu'elles sachent ce que bisexuel ou bicurieux signifie en dehors de ce qu'elles ont vu dans les films ou à la télé. Je suis sûre que personne ne se déclare "bicurieux" avec l'intention de nuire".
Au lieu de cela, elle encourage tout le monde à faire pression pour une meilleure représentation de la bisexualité, et à combattre la biphobie sous toutes ses formes. "Je pense que nous pouvons tous commencer à changer le discours et à croire que les personnes bisexuelles sont ce qu'elles disent être. Nous pouvons individuellement tordre le cou aux idées fausses qui entourent la bisexualité", explique-t-elle. "Les médias peuvent nous fournir une meilleure représentation. Peut-être qu'un jour, [le mot] bicurieux perdra en popularité. Mais ce mot est le symptôme d'un problème beaucoup plus vaste, et non le problème lui-même".

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