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Y'a-t-il une science de l'attirance ?

J’ai enlevé mes lunettes, enfilé un masque de sommeil, puis je me suis allongée… et reniflé le poignet de la personne à côté de moi. Même si j’ai appris plus tard qu’on avait un ami en commun, on ne s’était jamais rencontrée. Elle sentait bon : une odeur de propre et de fleurs, comme ces savons de toilette délicats qui rappellent l'enfance.
Suivant les directives de l’organisateur, on s’est ensuite senti chacune les avant-bras, puis le bras...et j’ai passé mon tour sur les aisselles. C’est là que je me suis dit que j’aurais dû remettre du déo dans la matinée, sachant qu’on venait de nous demander de sauter 20 fois à pieds joints. « Combien de vous ont trouvé ça sexy ? », nous demande-t’-on. « C’est bien ce que je pensais. » continue-t-elle, ce sur quoi ma partenaire s’est mise à glousser. J’ai commencé à me sentir mal à l’aise, même si elle venait de m’assurer que je sentais bon. J’ai repensé au déo dans mon tiroir de bureau.
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Je vous rassure : sentir les aisselles de parfaites inconnues ne fait pas partie de mes habitudes. J’étais en train de participer à un événement appelé Attraction Lab, organisé par Guerilla Science. Cette asso qui circule entre New-York et Londres s’est donnée pour mission de « créer et proposer des expériences divertissantes, décalées et mémorables, et vous inspirer à regarder le monde autrement par la suite. » Lancé à Londres en 2013, Attraction Lab fait partie des rendez-vous les plus prisés et les plus anciens, même s’il a connu quelques baisses de participation.
Attraction Lab ou le laboratoire de l’attraction amoureuse s'appelait à l’origine « Sensory Speed Dating » (Le speed dating des sens). « Pas étonnant que la plupart des gens finissaient par se rouler des pelles à la fin de l’événement », nous dit le comédien et rédacteur pour le Wyatt Cenac’s Problem Areas, Chris Duffy. Co-animé par l’astronome Jana Grcevich, l’événement auquel j’ai participé était ouvert à tous et qui plus est tenu dans l’Intrepid Museum de New-York ; avec une pièce destinée aux célibataires et une pièce pour les couples. C’était seulement la deuxième fois consécutive que les couples pouvaient participer à l’événement. « J’avais des amis en couple qui se montraient intéressés par l’expérience, et du coup on a décidé d’étendre le concept à tout le monde. » nous dit Olivia Koksi, cheffe des opérations chez Guerilla Science, le lendemain.
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À la recherche de l'explication scientifique de l'attirance

Ce jour-là, on a été assorti par équipe de deux, indépendamment du genre, de l’âge ou de l’orientation sexuelle. « Notre objectif premier c’est d’être une organisation qui crée des expériences scientifiques et amusantes pour tous, on n’est pas une agence matrimoniale. » nous dit Koksi. « On sait que la plupart des gens sont là pour trouver l’amour, mais je préfère aussi prévenir : ‘vous ne trouverez peut-être pas l’amour, mais au moins vous aurez une histoire drôle à raconter à vos amis, et ca vous permettra aussi de réfléchir à ce pourquoi vous êtes attirés par telle ou telle personne.’ »
Sauter à pieds joints puis sentir l’autre était le troisième exercice de la soirée. Avant ça, il a fallu qu’on parle d’un moment embarrassant vécu récemment ( arriver en jean à une soirée habillée en ce qui me concerne), puis qu’on se fasse manger un bout de carotte et de tomates séchées, suivi d’un morceau de chocolat. Au total, il y avait six « exercices d’attraction amoureuse », tous dédiés à un sens différent. On nous a aussi demandé de se « toucher » l’un l’autre, avec la main, le bras ou la joue, ce qui m’a pas paru si gênant, sachant qu’on venait de se sentir l’une l’autre. Le dernier exercice était lui centré sur le mouvement. Pour celui-là, il fallait qu’on danse avec notre partenaire. Oh, j’ai failli oublier : tous les exercices devaient être exécutés les yeux fermés, façon Sandra Bullock dans Bird-Box. La seule activité à solliciter la vue, c’était cet exercice où on a dû se regarder droit dans les yeux pendant une minute. Les barman nous ont dit que ca les avait bien fait rire de nous voir galérer. Détail important : j’ai retrouvé des bouts de carotte dans mon soutien-gorge par la suite.
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Le temps passé avec les yeux bandés est intentionnel, m’explique Olivia Koksi. « La plupart du temps, quand on pense aux gens qui nous attirent, on croit que c’est simplement dû à leur apparence. On voulait justement explorer les autres sens qui influencent le choix d’un partenaire. »
Même si certains des exercices peuvent sembler un peu stupides, Guerilla Science m’a fait parvenir une liste de références avec plus de 20 études scientifiques sur le sujet. Parmi elles, on retrouve une étude de 1984 intitulée « Révélation de soi, intimité et processus de dépénétration » (!). C’est cette étude qui a inspiré l’exercice où chacun doit raconter une anecdote gênante à l’autre (ce qui pour moi est plus une bonne manière de se faire des amis que de séduire l’autre), et plusieurs études datant de 2016 (par exemple : La dilatation des pupilles comme indice d’attirance mutuelle », qui s’est effectivement révélée être un moment troublant). Guerilla Science travaille constamment avec des scientifiques et des chercheurs pour se tenir au courant des dernières révélation scientifiques sur le sujet, mais comme le dit Koksi « les êtres humains sont si complexes que c’est un vrai challenge pour la science d’expliquer ce qui nous attirent les uns les autres. »
Après chaque exercice, l’animateur a pris soin de nous demander de lever la main si on avait trouvé la situation sexy. Et même si l’exercice de dégustation vient de la zoologie (et plus précisément d’une étude sur les chimpanzés), c’est apparemment celle qui obtient toujours le plus de vote. « L’exercice qui repose sur le goût est généralement celui qui plaît le plus, parce qu’il y a tellement de possibilités pour que ça tourne mal. Et c’est ce qui rend les choses excitantes. » nous dit Koksi. « Et c’est moins intime que de se renifler les avant-bras ! ».
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Et même si elle insiste pour dire que le but de l’événement n’est pas de jouer les agences matrimoniales, c’est un peu l’impression qu’on a une fois là-bas. J’ai partagé un moment d’intimité avec six personnes, qu’elle soit physique ou émotionnelle. Un autre problème - qui apparemment arrive souvent quand on organise un atelier qui intéresse les célibataires : il y a toujours une écrasante majorité de femmes hétérosexuelles, qui visiblement cherchent à rencontrer quelqu’un par le biais de l’événement. Je n’ai même fait connaissance qu’avec des femmes ce soir-là, ce qui a franchement eu l’air de les gonfler. Quand on voit que l’autre croise constamment les bras et vous tourne le dos dès que possible pour pouvoir mater le mec barbu avec une veste en cuir, forcément, c’est dur de se prendre au jeu.
« On a plus de mal à faire venir les hommes, c’est vrai. » admet Koksi. Elle ajoute qu’elle et son mec actuel se sont rencontrés grâce à l’événement. Elle l’avait « recruté », lui et son voisin, pour qu’ils participent à l’une des premières du Sensory Speed-Dating. Même s’ils n’ont pas été partenaires dans l’exercice, ça leur aura permis de faire connaissance. Et d’avoir maintenant deux enfants ensemble.
Même si je n’ai pas trouvé de date à Attraction Lab, une de mes partenaires et moi (celle avec qui on s’était reniflé) avons décidé d’aller manger une pizza ensemble, avec notre amie en commun qui s’est aussi trouvé être à l’événement. Ce que j’en aurais retiré donc : après coup, j’ai repensé aux gens qui m’avaient attiré par le passé. Comme j’ai pu être obsédée par l’odeur d’un ex. Combien ça peut être insupportable d’être assise à côté de quelqu’un qui nous plaît. Et c’est là que j’ai pensé à toutes ces apps de rencontre, qui à l’évidence ne nous permettent que de juger sur le physique. Ça fait du bien de se dire que l’attraction amoureuse ou sexuelle est bien plus complexe que de matcher sur Internet. A quand une app où on pourra se renifler l’un l’autre ?

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