Étrangler sa ou son partenaire pendant le sexe est une pratique populaire dans le porno, et une étude récente suggère que de plus en plus de personnes la reproduisent dans la vraie vie. Le problème ? Certain·es le font sans le consentement de leur partenaire.
Dans une étude de 2019 intitulée "Feeling Scared During Sex" (La peur durant le sexe), Debby Herbernick, chercheuse dans le domaine de la sexualité, a examiné les situations dans lesquelles 2 533 personnes d'âges et de sexes différents aux États-Unis ont ressenti de la peur durant l’acte sexuel. Près de 24 % des femmes adultes interrogées ont déclaré s’être senties effrayées au cours d’un rapport sexuel, contre 12,5 % des adolescentes, 10,3 % des hommes adultes et 3,8 % des adolescents. Les participant·es gays, lesbiennes et bisexuels et celles et ceux à faible revenu étaient également plus susceptibles d'avoir vécu ce que Herbernick appelle une "expérience sexuelle effrayante".
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En plus de demander aux participant·es s'iels avaient déjà ressenti de la peur durant un rapport sexuel, Herbernick leur a demandé de décrire les situations dans lesquelles cette peur s'était présentée. Parmi les réponses les plus courantes, on retrouve le viol, l'agression sexuelle, les abus sexuels pendant l'enfance, la peur du viol ou de l'agression, la coercition et la pression pour avoir des rapports sexuels non protégés. En outre, 23 répondant·es ont décrit des situations dans lesquelles leur partenaire s'est soudainement mis à les étrangler pendant le sexe. "Il s'agissait clairement d'un étranglement dont personne n'avait parlé au préalable et qui était imposé à l’autre", expliquait Herbernick lors d'une table ronde, rapporte The Atlantic. Elle a également constaté que ce comportement était plus fréquent chez les jeunes : 13 % des filles sexuellement actives âgées de 14 à 17 ans ont déclaré avoir été étranglées sans consentement.
D'autres études ont également constaté que le fait d’étrangler durant le sexe était de plus en plus populaire, ce qui est probablement lié à la consommation de porno, mais ces études ne font pas la distinction entre l'étranglement consensuel et non-consensuel. Mais en plus de l'étude d'Herbernick, les anecdotes à ce sujet ne manquent pas - en 2016, Rose Surnow a écrit dans Elle au sujet d'un date qui l'a étranglé par surprise pendant qu’iels étaient en train de s'embrasser, et en 2017, Briony Smith, de Flare, a écrit que beaucoup de ses amies avaient fait l'expérience d'un étranglement par surprise, et que c'était un peu devenu comme une étape obligatoire du sexe. L'acte a même été mentionné dans le rapport explosif de The Atlantic de 2018, intitulé "The Sex Recession". À titre personnel, j'ai eu plus d'un partenaire qui s’est mis à m'étrangler sans prévenir au milieu d'un rapport sexuel ou alors qu'on s'embrassait, et j'ai entendu des histoires similaires de la part de nombre de mes ami·es.
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Pourquoi tant d'hommes (car il s'agit principalement d'hommes) étranglent-ils leur partenaire sans demander ? Sur Reddit, j'ai trouvé des hommes qui écrivaient que le fait d'étrangler était tellement attendu qu'ils pensaient que leurs partenaires les jugeraient négativement, voire les largueraient, s'ils ne le faisaient pas spontanément. "Les filles qui recherchent ce genre de sexe brutal et qui ne l'obtiennent pas dès la première fois vont passer à autre chose et ne laisseront pas souvent le temps à la relation d'évoluer. Les filles qui ne sont pas nécessairement intéressées reviendront quand même, même si elles n'étaient pas très fans la première fois", a écrit un homme. Un autre écrit : "Il suffit d'essayer sur le moment, si elle dit non, alors on arrête. C'est assez simple."
Mais pour certaines personnes, ce n'est pas aussi simple. J'ai interrogé une femme d'une vingtaine d'années qui avait posté sur Reddit sur le fait de se replonger dans le monde des rencontres après une relation de cinq ans. Elle dit que "de multiples partenaires, généralement des coups d'un soir" l'avaient étranglée sans rien demander. "Le porno a banalisé beaucoup de trucs pas très vanille, comme l'étranglement, le sexe anal, la gorge profonde, les actions assez brutales et violentes", ajoute-t-elle. "J'aime certaines de ces pratiques et pourtant, ça me met incroyablement mal à l'aise parce que ça semble devenir une attente, en particulier auprès des hommes entre 20 et 30 ans."
Ce qui la dérange, c'est que ces partenaires ne lui ont jamais demandé son consentement avant de l'étrangler - elle en a pris conscience quand un homme lui a demandé si elle pouvait l'étrangler. "Je suis sortie avec un homme qui aimait vraiment qu’on l’étrangle. Je lui ai demandé de me montrer des vidéos sur la façon dont il voulait le faire et je me suis assurée que je comprenais comment le faire sans danger", dit-elle. "C'était tellement différent de mes expériences passées où les hommes essayaient juste de l'imposer au milieu du sexe, et c'est la première fois que j'ai vraiment réalisé à quel point tout cela était problématique."
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L'éducatrice sexuelle Erica Smith (aucun lien de parenté) est du même avis : c’est bien l'absence de consentement qui pose problème. "Si quelqu'un souhaite étrangler sa ou son partenaire durant le sexe, il doit avoir un consentement explicite et il faut établir un protocole clair tant pour l’acte que pour le stopper, si le besoin s'en fait sentir", explique-t-elle à Refinery29. "Cette conversation doit avoir lieu en dehors de l’acte sexuel. Demandez à votre partenaire si vous pouvez l'étrangler durant le sexe et demandez-lui des détails."
Smith suggère de se montrer aussi précis que possible : parlez du moment où l'étranglement doit avoir lieu, choisissez les positions sexuelles à l'avance, décidez si cela se fera avec une ou deux mains, et discutez des possibles limites pour les insultes ou les propos dégradants. "Si votre partenaire n'apprécie pas la sensation d'étranglement, demandez-lui si vous pouvez la simuler - en mettant vos mains sur sa gorge avec peu ou pas de pression, tandis qu'il ou elle réagit comme s'il y avait de la pression", suggère-t-elle, ajoutant que vous devriez également choisir un safe-word et un geste non-verbal, ainsi que prévoir une session d'aftercare.
De nombreuses personnes aiment être étranglées pendant le sexe. Mais il y a aussi beaucoup de personnes qui auraient peur ou même qui pourraient faire une crise de panique si un·e partenaire commençait à les étrangler sans prévenir. La seule façon de savoir si quelqu'un a envie d'être étranglé pendant l'amour, c’est de lui poser la question.